III
Et ce guerrier debout près du mât de misaine,
Qui pleurait en quittant la rive canadienne,
Et qui jetait au vent de si touchants adieux,
C'était Lévis, c'était celui dont la vaillance
Venait de conserver au drapeau de la France
Un éclat radieux.
Ce Lévis qui, malgré le fer et la mitraille,
Pressant les flancs poudreux d'un coursier de bataille,
Voyait devant ses pas les bataillons s'enfuir!
Son nom s'était inscrit au temple de Mémoire;
Mais, pour le Canada, ce dernier chant de gloire
Fut son dernier soupir.
Il nous fallut céder sous le poids de l'orage,
Et le beau Saint-Laurent, sur son triste rivage,
Dut désormais souffrir les pas de l'étranger;
Et, conservant à peine un rayon d'espérance,
Lévis sur un navire allait revoir la France,
Brûlant de se venger.
Hélas! il ne le put; mais depuis sa victoire,
Tout un siècle est passé sans qu'on vit sa mémoire
Ni son nom se ternir sous le souffle du temps;
Sans que son blanc drapeau que garde nos rivages
Obscurcit au contact des siècles et des âges,
Ses reflets éclatants.
Lévis, sors un instant de ton dernier asile!
Que ton pied foule encor cette plaine fertile;
Reviens après cent ans sur le vieux champ d'honneur!
Vois d'un fier monument la colonne imposante
Que la main du pays enfin reconnaissante,
Élève à ta valeur.
Viens revoir un instant les enfants de tes braves!
Ils ont toujours gardé leurs bras libres d'entraves;
Ils ont su conserver un nom digne de toi;
Ils possèdent encore, après cent ans d'orage,
Ces deux nobles joyaux de leur bel héritage:
Et leur langue et leur foi!