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| Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV | |
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Auteur | Message |
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| Sujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:48 | |
| Chapitre IV
Outre les journaliers qui constituaient, comme je l'ai dit, le gros de la population de notre canton, il y avait encore les bateliers, les caboteurs, les terrassiers et quelques pêcheurs. Chaque chantier avait son épicier, son forgeron, son menuisier, son cordonnier. Et puis il y avait le bourgeois. Le bourgeois c'est-à-dire le marchand de bois, ou plutôt l'agent desquelles se faisait l'exploitation de nos forêts était une espèce de seigneur ou de lord anglais qui habitait une villa magnifique et vivait dans un luxe étourdissant. Chaque canton avait son bourgeois. |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:48 | |
| L'un d'eux, un monsieur Tibbits a été plus tard premier ministre du Nouveau-Brunswick, si je ne me trompe. Tous avaient des équipages de gala que les femmes et les enfants regardaient passer du seuil de leurs portes avec des airs de respectueuse admiration. Ces carrosses étaient les seules voitures à quatre roues qu'il y eût dans la paroisse. Quand le curé plus tard Mgr Déziel et le docteur Bénoni Guay firent chacun l'acquisition d'un buggy prononcez wâguine - cela fit sensation. |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:48 | |
| On n'était pas loin de trouver cela étrange, tant le public était sous l'impression inconsciente que la voiture à quatre roues devait être l'apanage exclusif des Anglais. Comme ces bourgeois au moins les deux ou trois que j'ai connus autant qu'un enfant de mon âge pouvait connaître ces grands personnages comme ces bourgeois, dis je, jetaient littéralement l'argent par les fenêtres, ils étaient en général très bienfaisants, et nombreuses étaient les familles pauvres qui vivaient non seulement de leur protection, mais encore de leurs charités. Ils savaient aussi encourager l'intelligence, l'esprit d'ordre et le travail industrieux. |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:49 | |
| C'est en partie à l'encouragement de l'un d'eux, devenu pauvre plus tard et resté son ami, que mon père était redevable de l'aisance relative dont il a si généreusement usé, et qui a fait de moi le peu que je suis. Il s'appelait Horatio Patton. Il habitait un véritable château dont il ne reste plus de trace, et qui était tenu dans un grand style, nombreux personnel et vastes dépendances, et qui eut plus d'une fois l'honneur de recevoir le gouverneur du pays, et en particulier lord Elgin. C'est dans l'une des serres de cette résidence princière que je grignotai ma première grappe de raisin chose rare dans le pays à cette époque. M. Patton, n'ayant pas d'enfants, avait adopté une jeune fille d'excellente famille, d'une position de fortune indépendante, mais dont les parents étaient morts. Elle s'appelait Harriette Davie, mais tout le monde l'appelait Mademoiselle Patton. C'était une très jolie fillette de quelques années plus âgée que moi, et qui fut ma première amie en dehors du cercle intime de ma famille. Elle avait un fringant poney minuscule qui faisait le désespoir de maman quand, à ma grande jubilation, il s'arrêtait à notre porte pour me chercher pour chercher « P'tit Louis ». |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:49 | |
| Maman n'osait refuser, mais combien elle préférait la petite brouette bleue dans laquelle Mam'zelle Henriette me promenait souvent, et qui causait à la bonne mère infiniment moins d'inquiétude et de craintes. Chère Mam'zelle Henriette! son départ fut le premier anneau rompu dans la chaîne de mes affections terrestres: déchirement suivi par bien d'autres, hélas! |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:49 | |
| Cette aisance relative dans laquelle je fus élevé n'était pas pour moi un sujet de satisfaction. Au contraire, elle m'ennuyait fort, en ce qu'elle me forçait ainsi l'exigeaient mes parents à porter blouse ou veston, avec un col, des bretelles, des souliers et des chaussettes, quand j'eus quitté la petite robe, bien entendu. À l'exception de deux petits voisins, deux petits Anglais fils du M. Houghton dont j'ai parlé plus haut qui se trouvaient dans les mêmes conditions et le regrettaient comme moi, tous les gamins de mon âge couraient les rues ou allaient à l'école le cou et les pieds nus, en chemise, avec une courroie une sling pour me servir de l'expression consacrée fortement serrée autour des reins, ce qui me paraissait beaucoup plus crâne et plus chic. Ce costume, ou plutôt cette absence de costume, leur donnait d'ailleurs une supériorité réelle sous plusieurs rapports, et je les trouvais bien heureux. |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:49 | |
| J'enviais leur désinvolture, leur agileté à la course, leur liberté de mouvements pour grimper dans les arbres, pour se jeter à l'eau, pour s'accrocher derrière les voitures, pour enjamber d'un madrier, d'une brelle ou d'un radeau à l'autre. Ai-je tourmenté mes parents pour obtenir la permission d'aller comme les autres courir nu-pieds sur la grève! Ils étaient inflexibles. On a beau avoir, comme on le voit, les ambitions les plus modestes, personne n'est à l'abri des désappointements. Or, si nombreux qu'aient été les miens dans le cours de mon existence, je n'en ai guère éprouvé de plus sensible. Et l'on dira après cela que la fortune n'a pas d'exigences tyranniques! D'un autre côté, tant la nature humaine est bizarre, mes chaussettes et mes souliers me faisaient des jaloux chez les camarades naturellement, mais encore plus naturellement chez les mères, qui me regardaient souvent de travers, et s'efforçaient de m'insinuer à ce sujet des choses désagréables quand l'occasion s'en présentait. - Écoute donc, petit, me disaient-elles avec un sourire insidieux, comme tu as de beaux souliers! Ton père t'a-t-il acheté ça à même l'argent de son coffre? |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:49 | |
| Dans le langage de l'endroit, de son coffre voulait dire d'un trésor qu'il a déterré. Car il faut noter qu'on parlait beaucoup dans cette partie du pays, de trésors enfermés dans des coffres de fer, et enfouis sous terre pour les sauver des invasions par les Français d'abord, et ensuite par les Anglais fuyant devant Arnold et Montgomery. Suivant la rumeur publique, il y avait de ces coffres dans tous les coins; et lorsqu'un homme prospérait un peu plus que les autres dans un canton, c'était bien simple, il avait découvert un coffre. Notre coffre, à nous, avait été déterré derrière notre écurie. La preuve, c'est qu'il y avait là une légère excavation, et qu'un gamin du voisinage du moins on le prétendait avait ramassé un vieux sou sur le bord du trou. On ne pouvait guère exiger de preuve plus péremptoire, n'est-ce pas? Fallait-il qu'un homme fût plus chanceux! Rien d'étonnant à ce qu'il y eût une excavation derrière notre écurie; il s'en trouvait un peu partout; et tous les jours on en découvrait de nouvelles. Partout où il y avait un pli de terrain, un arbre rabougri, un quartier de rocher, une irrégularité du sol un tant soit peu en dehors de l'ordinaire, on était sûr de voir là la terre bouleversée un de ces quatre matins. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:49 | |
| C'était l'oeuvre des chercheurs de trésors. On n'en déterrait pas souvent, des trésors, il est vrai; mais ce n'était pas parce qu'il en manquait; c'était à cause de la difficulté de les lever. Ces trésors sont chacun sait cela gardés par le diable. Tout l'argent qui est resté sous terre durant un certain nombre d'années appartient à Satan, et même quand on met la main dessus, il est excessivement difficile de s'en emparer. Il faut des incantations, des conjurations, mille formalités mystérieuses, mille pratiques de sorcellerie à n'en plus finir. Quand on néglige quelque chose, qu'on oublie une des paroles magiques ordonnées par le code cabalistique, crac! c'est fini; le coffre s'enfonce à cinq cents pieds sous terre, Allez donc le chercher là! Avec cela que, pendant la besogne, il ne faut pas penser au bon Dieu; et c'est difficile de ne pas penser au bon Dieu quand on a peur du diable. Que j'en ai donc connus de ces désappointés, qui avaient été tout près, tout près de devenir millionnaires! Le coffre était là sous leurs yeux, à portée de la main, il résonnait sous la pioche un immense coffre en fer qui devait contenir au moins vingt fortunes! Il n'y avait plus qu'à passer une chaîne dessous et à dresser des mâtereaux pour le hisser. Toutes les précautions étaient bien prises. On s'était procuré une chandelle de graisse de noyé, qu'on avait payé cinq belles piastres à un commerçant du Palais à Québec. Si l'on n'avait pas réussi, c'était la faute à cet imbécile de Chose, ou à cet idiot de Machin, qui l'avait laissée tomber par terre, juste au mauvais moment. La chandelle éteinte, plus de coffre. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV Mer 5 Juin - 11:50 | |
| Et ainsi de suite; il était toujours survenu quelque anicroche pour empêcher la réussite, qui n'avait tenu qu'à un cheveu. Cette croyance dans les trésors cachés était tellement ancrée dans l'esprit de la population, que j'ai connu des chercheurs de coffres aussi tard qu'en 1877. J'habitais alors sur les hauteurs de Lévis, dans une maison isolée en arrière de laquelle se creusait une excavation tout embroussaillée de bouquets d'aunes, touffus à ne pas laisser passer un chien à travers. Une ancienne tranchée probablement. J'étais marié depuis peu. Un soir, un de mes électeurs vint me trouver tout mystérieusement. |
| | | | Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre IV | |
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