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| Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:25 | |
| Au Seuil
Ce soir-là, nous descendions de Montréal à Québec; et, sur le pont du bateau, quelques jeunes gens s’étaient mis à causer littérature. Inutile d’ajouter que, suivant la mode du jour, certains esprits chagrins accusaient l’industrie, le commerce, les sciences positives, le progrès moderne en un mot, d’être incompatible avec les choses de l’idéal. D’après eux, la vapeur, l’électricité et surtout l’esprit de mercantilisme avaient tué la Poésie : la tour Eiffel était son mausolée.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:25 | |
| Entre voyageurs on est un peu sans gêne. -Permettez-moi de vous dire que vous blasphémez, messieurs, fit un des auditeurs que la petite discussion avait attirés. La poésie ne meurt pas, tant que le coeur de l’homme vibre. Elle est beaucoup plus en nous que dans les objets extérieurs. La chose qui semble la plus prosaïque du monde peut, à un moment donné, revêtir un aspect ou inspirer un sentiment d’une poésie intense. Tout dépend des dispositions d’esprit et de coeur où l’on se trouve, et surtout du point de vue où l’on se place.
Tenez, moi qui vous parle, voulez-vous savoir ce que j’ai vu de plus poétique dans ma vie, c’est-à-dire l’objet qui m’a causé à l’âme l’impression la plus vive et la plus attendrie? C’est quelque chose de bien banal pourtant, une des choses que l’on serait porté à croire, entre toutes, incapables de provoquer une émotion : c’est tout simplement... un poteau de télégraphe!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:25 | |
| -Un poteau de télégraphe? Allons donc! -Parole d’honneur, messieurs! Je ne plaisante pas; et si je vous contais mon histoires, vous me croiriez sans peine. -Parlez donc, parlez! fit-on d’une seule voix.
Le nouvel interlocuteur était un de nos compatriotes. Robuste encore, quoique dépassant la soixantaine, il avait l’oeil profond, la voix bien timbrée, le langage d’un homme cultivé. En somme une tournure très comme il faut au service d’une intelligence plus qu’ordinaire. Nous l’écoutâmes avec intérêt. -Messieurs, dit-il, j’ai passé seize ans de ce que je puis appeler ma jeunesse dans des parages bien inconnus à cette époque, mais dont le nom a eu beaucoup de retentissement depuis. Je veux parler du Klondyke. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:25 | |
| Oh! l’on ne songeait pas alors à y creuser la terre glacée pour en extraire des lingots ou des pépites jaunes; on n’y faisait encore que la chasse aux fourrures.
C’était la bête fauve que nous traquions, soit le fusil à la main, soit par l’intermédiaire des indigènes qui fréquentaient nos comptoirs. Les circonstances qui m’avaient conduit là, je n’en ferais pas mention si elles ne contribuaient à faire comprendre l’état d’âme où je me trouvais quand se produisit l’incident dont il s’agit. Ces circonstances, les voici en peu de mots : Je suis né à la Rivière-Ouelle, un joli endroit situé, comme vous savez tous, à quelque vingt-cinq lieues en aval de Québec, sur la rive droite du Saint- Laurent.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:25 | |
| Mon père était mort pendant que je faisais mes classes au collège de Sainte- Annede-la-Pocatière, et ma mère s’était remariée deux ans plus tard. Mes études terminées, ma mère désirait me voir embrasser une carrière libérale, ce qui m’agréait assez. Mais cela exigeait certains sacrifices, et mon beaupère, qui, par parenthèse, m’était peu sympathique, s’y opposait carrément. De là des malentendus, des discussions, des froissements; bref, une vie impossible pour ma mère et pour moi.
Pauvre mère! elle avait souffert de ma présence, elle eut à pleurer mon éloignement. Pour lui rendre la paix, je saisis la première occasion, et je partis. Un agent de la Compagnie de la Baie d’Hudson m’avait engagé, avec quelques hardis compagnons, pour aller faire la traite des pelleteries dans les territoires voisins de l’Alaska.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:25 | |
| Je ne vous raconterai ni mes pérégrinations lointaines, ni mes aventures dans les différents postes où je dus séjourner. Ah! ceux qui trouvent la civilisation moderne trop terre à terre auraient eu là de quoi se faire passer le goût de la poésie primitive, j’en réponds.
Les choses les plus nécessaires à la vie ne nous manquaient pas; mais ces mille petites douceurs, ces mille objets superflus qui font le charme de l’existence, il ne fallait pas y songer. Nous avions de l’occupation tant et plus durant une bonne partie de l’année, mais que faire pour se distraire pendant les mortes saisons? Les livres étaient rares : qu’inventer pour tuer la monotonie des rudes et interminables hivers, en tête à tête continuel avec les mêmes individus, et ne comptant les jours que par une courte apparition du soleil à l’horizon? Et point de nouvelles! Séparés du monde entier durant douze mois d’une année à l’autre. Une seule malle-poste pendant la saison d’été et c’était tout. Imaginez seize ans de cette vie-là!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:26 | |
| Enfin, dans l’automne de 1876, le courrier en retard m’apporta deux nouvelles qui me rapprochaient singulièrement de mon pays et de ma vieille mère : le mari de celle-ci était mort, et le chemin de fer du Pacifique canadien venait d’atteindre Calgary, d’où il allait s’élancer d’un bond à l’assaut des montagnes Rocheuses. J’étais alors au fort Yukon, sur le fleuve du même nom, à cent lieues au nordouest, à l’ancien fort Reliance, poste aujourd’hui célèbre sous le nom de Dawson City. Nul engagement ne me retenait là-bas; un Sioux, qui connaissait bien la route et qui retournait à Edmunton, pouvait me servir de guide. Le coeur bondissant dans la poitrine, je fis les préparatifs de départ. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:26 | |
| En sorte que, le 1er novembre au matin, mon sauvage et moi, nous nous acheminions à la raquette sur la surface gelée de la rivière Porc-épic, l’un précédant et l’autre suivant dans un long et fort tobagan chargé de nos armes et bagages, et traîné par quatre vigoureux chiens esquimaux, en route pour le fort Lapierre -une course de deux cent cinquante milles pour ainsi dire d’une haleine.
Du fort Lapierre, il faut traverser les montagnes Rocheuses pour atteindre le fort McPherson. Soixante-dix milles à travers un labyrinthe inouï de torrents, de précipices, de rocs croulants, de glaciers et de pics inaccessibles! Pour de la poésie sauvage, c’était là de la poésie sauvage; seulement, on bénit le ciel quand cela devient un peu moins poétique. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:26 | |
| En partant du fort McPherson, on suit d’abord la rivière Peel sur une distance d’à peu près cent milles; puis cent autres milles de prairie, de cours d’eau, de lacs et de portages vous conduisent au fort Good-Hope, sur le Mackenzie, qu’il faut remonter jusqu’au Grand lac des Esclaves; un trajet, cette fois, de six cents milles en chiffres ronds.
De ce point on coupe à travers la prairie jusqu’à Athabaska Landing, dernière station avant d’arriver à Edmunton; encore cinq cents milles de marche au moins!
Vous voyez que ce ne sont pas là des promenades; ni même des voyages à entreprendre à la légère. Mais les étapes ont beau être longues et pénibles, on les parcourt encore assez gaiement, lorsque chacune d’elles nous rapproche de ceux que l’on aime. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:26 | |
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Nos journées se passaient en marches non interrompues, si ce n’est par quelques instants d’arrêt pour le repas du midi. Le soir nous campions au premier endroit venu, pourvu qu’on y trouvât du bois pour faire du feu. Quand je dis nous campions, c’est manière de m’exprimer, car notre campement se réduisait à bien peu de chose. D’abord nous dételions les chiens et nous leur donnions leur ration de poisson gelé -il faut toujours avoir un soin particulier de ces pauvres bêtes, qui sont la ressource suprême et un élément de nécessité première dans de pareils voyages; -puis, le feu allumé, nous faisions bouillir la marmite.
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| | | | Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil | |
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