Ah! tenez, il faut avoir éprouvé cela, perdu sous un ciel boréen, au milieu
d’un désert glacé, dans le mystère de la sainte nuit de Noël, pour bien me
comprendre; je vous l’avoue ingénuement, je sentis ma tête se troubler.
Et là, sous les yeux ahuris de mon compagnon de misère, qui, tout intrigué par
les sons étranges du fil électrique bourdonnant sur nos têtes, murmurait :
« Manitou! Manitou! » sur un ton d’effroi, je fondis en larmes, et, ouvrant les
bras, j’embrassai longuement, longuement ce morceau de bois insensible, ce poteau de
télégraphe -mon frère!
La voix du narrateur tremblait un peu. Quant à nous, nous l’écoutions, émus.
Ceux-là même qui avaient si carrément dénoncé le prosaïsme de notre « âge de
fer » étaient désarmés. Après quelques instants de silence, le voyageur du
Nord-Ouest reprit :