PLUME DE POÉSIES Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus. |
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| Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:25 | |
| Rappel du premier message :
Au Seuil
Ce soir-là, nous descendions de Montréal à Québec; et, sur le pont du bateau, quelques jeunes gens s’étaient mis à causer littérature. Inutile d’ajouter que, suivant la mode du jour, certains esprits chagrins accusaient l’industrie, le commerce, les sciences positives, le progrès moderne en un mot, d’être incompatible avec les choses de l’idéal. D’après eux, la vapeur, l’électricité et surtout l’esprit de mercantilisme avaient tué la Poésie : la tour Eiffel était son mausolée.
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:26 | |
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Nos journées se passaient en marches non interrompues, si ce n’est par quelques instants d’arrêt pour le repas du midi. Le soir nous campions au premier endroit venu, pourvu qu’on y trouvât du bois pour faire du feu. Quand je dis nous campions, c’est manière de m’exprimer, car notre campement se réduisait à bien peu de chose. D’abord nous dételions les chiens et nous leur donnions leur ration de poisson gelé -il faut toujours avoir un soin particulier de ces pauvres bêtes, qui sont la ressource suprême et un élément de nécessité première dans de pareils voyages; -puis, le feu allumé, nous faisions bouillir la marmite.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:26 | |
| Oui, comme cela, en plein air, à l’abri de n’importe quoi, quelquefois au vent, sous la neige tombante, dans la « poudrerie ». Puis, après avoir fait sécher nos fourrures rendues humides par une journée de marche, nous nous étendions sur la neige, côte à côte avec nos fusils, entre une épaisse robe d’ours et une couverture en peaux de lièvre nattée; et bonsoir, camarade!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:27 | |
| À l’exception de nos haltes dans les forts et autres stations, où nous passions généralement un jour de repos bien nécessaire et surtout bien gagné, nous logeâmes ainsi à l’enseigne de la Belle-Étoile, jusqu’au 24 décembre, jour où nous espérions atteindre Athabaska Landing de bonne heure dans l’après-midi. Je m’étais fabriqué un calendrier en forme de fer à cheval, sur lequel de petites marques indiquaient le quantième du mois et les jours de la semaine. Je savais donc que nous touchions à la vigile de Noël; et malgré les fatigues de cet interminable voyage, je me sentais tout réconforté à l’idée de passer une touchante fête de famille sous un toit de chrétiens, en compagnie de mes semblables, au milieu de compatriotes peut-être... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:27 | |
| Malheureusement, mon désir ne devait pas se réaliser. Dès le matin, une neige épaisse soulevée par un violent vent de nord, a rendu notre marche très difficile. À midi, nous étions littéralement enveloppés dans un tourbillon qui ne nous laissait pas voir à dix pieds devant nous.
Les bons Québécois s’imaginent savoir ce que c’est qu’une tempête d’hiver : je ne leur souhaite pas d’aller au fond du Nord-Ouest apprendre à leurs dépens qu’ils n’en ont pas la moindre idée. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:27 | |
| C’est tout simplement quelque chose d’horrible. Cela vous aveugle, cela vous bouscule, vous étouffe. Vous perdez pied, vous ne respirez plus, la notion des distances vous échappe. Rien pour vous guider : la clarté du soleil n’est plus qu’une lueur diffuse qui se laisse à peine soupçonner à travers les opacités de l’atmosphère; la boussole, ce qui arrive souvent dans ces circonstances, s’affole; et vous n’avancez plus qu’au hasard et pour ainsi dire à tâtons, enfouis, submergés, noyés dans les rafales et les halètements furieux de la tempête. C’était cette bête farouche qui nous tenait dans sa gueule. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:27 | |
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Si nous n’avions pas été aussi pressés d’arriver, nous nous serions blottis au fond de quelque ravin, dans un pli de terrain, derrière un bouquet d’arbres, n’importe où, et nous aurions laissé passer la bourrasque sur nos têtes; mais je tenais avec l’entêtement du désespoir à ne pas camper dans la prairie ce soir- là, et nous avancions quand même, en dépit de tout et même de notre attelage, qui ne voulait plus marcher que le fouet aux reins.
Efforts inutiles, le poste que nous espérions atteindre semblait reculer devant nous; et, le soir venu, il devint évident que nous avions fait fausse route. Nous nous en rendîmes compte surtout, lorsque, la tempête calmée et le ciel redevenu clair, nous vîmes par la position des étoiles que nous obliquions trop vers l’ouest.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:27 | |
| Il fallait se résigner.
Changeant de direction, nous errâmes encore quelques heures, non pas tant à la recherche du poste désiré que pour trouver le bois nécessaire au campement. J’étais harrassé de fatigue, et je suivais les chiens, tout chancelant, la jambe molle et le coeur gros.
Tout à coup, le guide, qui avait pris de l’avant, me jeta ce cri : -Un arbre!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:27 | |
| Un arbre, comme cela, tout seul, en pleine prairie, c’était invraisemblable; le sauvage avait probablement voulu dire un arbuste. Je tirai néanmoins la hache de dessous la bâche du tobagan, et rejoignis mon camarade. En effet, nous avions devant nous un tronc dénudé, s’élevant du sol, droit au milieu de la grande plaine déserte. Je m’arrêtai un instant, surpris; puis, tout à coup, le coeur me tressauta dans la poitrine; je ne pus retenir un cri - un cri étouffé par un sanglot.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:27 | |
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Ce tronc sec, cet arbre mort, cette futaie isolée, dressée comme un mât solitaire au milieu d’un océan, elle avait été plantée par la main de l’homme; c’était un poteau de télégraphe! Nous avions dépassé Athabaska Landing, et nous étions sur la route d’Edmunton.
Comprenez-vous bien? Un poteau de télégraphe! La sentinelle avancée de la civilisation! Un poteau de télégraphe! N’était-ce pas comme une main amie qui se tendait vers moi sur le seuil de la patrie?
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:28 | |
| Plus encore, n’était-ce pas le cordial accueil d’un monde retrouvé, la bienvenue sur un sol vivant, cultivé, peuplé d’êtres intelligents, de compatriotes regrettés?
Je rentrais enfin dans la vie sociale, dans mon pays, dans mon siècle, après seize années d’exil au fond d’immenses solitudes sauvages. Je rentrais presque dans la famille, car ce fil d’acier que j’entendais vibrer là-haut, il me reliait au passé, au village natal, au foyer paternel redevenu plus cher que jamais, à ma vieille mère, à qui je m’imaginais presque pouvoir crier un bonjour de loin, malgré les mille lieues qui me séparaient encore d’elle!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil Mer 12 Juin - 9:28 | |
| Ah! tenez, il faut avoir éprouvé cela, perdu sous un ciel boréen, au milieu d’un désert glacé, dans le mystère de la sainte nuit de Noël, pour bien me comprendre; je vous l’avoue ingénuement, je sentis ma tête se troubler. Et là, sous les yeux ahuris de mon compagnon de misère, qui, tout intrigué par les sons étranges du fil électrique bourdonnant sur nos têtes, murmurait : « Manitou! Manitou! » sur un ton d’effroi, je fondis en larmes, et, ouvrant les bras, j’embrassai longuement, longuement ce morceau de bois insensible, ce poteau de télégraphe -mon frère!
La voix du narrateur tremblait un peu. Quant à nous, nous l’écoutions, émus. Ceux-là même qui avaient si carrément dénoncé le prosaïsme de notre « âge de fer » étaient désarmés. Après quelques instants de silence, le voyageur du Nord-Ouest reprit : |
| | | | Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Au Seuil | |
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