ACTE 1 SCENE 3
Euphémie, Mélanie, Cécile.
Mélanie, à Euphémie.
Cécile vient craignez...
Euphémie.
Qu'à ses regards, ma soeur,
Qu'à ceux du monde entier éclatent ma douleur,
Mes maux, mon désespoir, mon repentir, mon crime...
Que tout sache, ô Sinval, que je meurs ta victime.
Cécile d'un ton sévére à Euphémie.
Enfin vous allez voir ce ministre sacré
D'un dieu, qui sait punir, interprête éclairé,
Ma soeur, ce dieu lassé d'employer les menaces,
S'apprête à vous fermer le trésor de ses graces;
Épouse sans pudeur, infidelle à l'époux,
Il va vous accabler du céleste couroux.
Votre rébellion, à nos soeurs trop fatale,
A levé dans ces murs la pierre de scandale.
Expiez envers Dieu cet oubli criminel,
Si vous ne réclamez son amour paternel,
Si, livrée aux regrets, à des remords sincères,
Vous n'arrosez l'autel de vos larmes amères,
Frémissez, n'attendez qu'un juge impatient
De prononcer l'arrêt que sa bonté suspend;
Son équité le presse; il ne peut vous absoudre;
Je vois le bras vengeur, qui s'arme de la foudre,
Le tonnerre allumé, la flamme des enfers,
Sous vos pas égarés les abîmes ouverts;
Vous tombez dans ces lieux de désespoir de rage...
Euphémie à ces derniers mots paroît troublée.
Mélanie avec transport à Cécile.
Que dites-vous, barbare? Arrêtez cette image...
N'est point celle de Dieu; vous le peignez cruel;
Depuis quand le pardon n'est-il plus sur l'autel?
A Euphémie, avec un ton touchant, la serrant contre
son sein:
Vas, ma chère Euphémie, humble dans tes prières,
Vas te jetter aux pieds du plus tendre des pères,
Lui porter dans son temple un coeur qui sait aimer.
Qui saura pour lui seul souffrir et s'enflammer;
D'un penchant qui l'offense, étouffe la mémoire;
À tes sens ennemis dispute la victoire;
Dompte l'humanité, qui voudrait te ravir
Le prix de tes combats, l'honneur de t'asservir;
Repousse la nature indignée et jalouse;
Vole à Dieu qui t'appelle, et rends-lui son épouse;
Vois-le du haut des cieux qui s'applaudit en toi,
Qui prête à tes efforts les aîles de la foi;
Pénètre-toi des feux de sa grace invincible.
Ma soeur, il a formé ton ame trop sensible,
Pour ne t'inspirer par cet amour immortel
Qui rejette le monde, et nous élève au ciel;
Il frappe quelquefois; mais toujours il nous aime;
Ne crains pas. Ce ministre, envoyé par Dieu même,
Ne se montrera point l'ange exterminateur;
Il sera ton ami, l'ange consolateur;
Il essuyera tes pleurs d'une main bienfaisante.
La piété sincère est toujours indulgente.
Euphémie se retire dans la plus profonde douleur.
D'un autre sentiment peut-on être animé,
Et reconnaître un dieu si digne d'être aimé?