ACTE 1 SCENE 4
Mélanie, Cécile.
Mélanie.
Excusez des transports qui ne sauroient se taire,
Ma soeur; votre vertu, sans doute trop austère,
Dans le sein d'Euphémie a porté la terreur.
Le ton de la menace appartient à l'erreur.
La douceur est l'esprit d'une morale sainte;
L'amour doit l'inspirer; n'y mêlons point la crainte.
Cécile.
Ma colère est égale à mon étonnement!
Quoi! Loin de partager un juste emportement,
Quand l'intérêt du ciel devroit seul vous conduire,
Des folles passions vous flattez le délire!
Vous voulez qu'une soeur, indigne de ce nom,
De Dieu, qu'elle trahit, attende son pardon!
Mélanie.
Et toujours ces rigueurs, et cet ame inflexible,
Qui met tout son orgueil à se rendre insensible!
Cécile, ouvrez les yeux, faut-il vous répéter
Ce que le sentiment s'empresse à nous dicter?
Non, ma soeur, Dieu n'est point un tyran sanguinaire.
Inacessible aux pleurs du repentir sincère;
Qu'est-ce que la grandeur qui ne pardonne pas?
N'a-t-il point répandu son sang pour des ingrats?
Euphémie à ses pieds se reconnaît coupable;
Il daignera lui tendre une main secourable;
La grace descendra dans ce sein agité.
Soutenons l'arbrisseau dans sa fragilité;
Consolons notre soeur, et plaignons sa foiblesse.
Cécile.
Sa faiblesse! Grand dieu, qu'elle outrage sans cesse,
Sur quels crimes ta foudre aura-t-elle à tomber,
Si de pareils forfaits peuvent s'y dérober?
Depuis qu'à nos autels Euphémie est liée,
L'idole de son coeur ne peut être oubliée;
De la nuit du tombeau cet objet renaissant,
Sur son ame égarée est toujours plus puissant;
Comment! Après dix ans de soupirs et de plaintes,
Se consumer d'amour pour des cendres éteintes!
Nous laisser voir un coeur toujours plus enflammé,
Plus criminel!
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Mélanie.
Après une longue pause.
ma soeur... vous n'avez pas aimé.
Cécile.
Qu'en ces liens honteux j'eusse été retenue!
Que Cécile eut aimé! Dieu seul...