ACTE 1 SCENE 6
Mélanie, Cécile.
Mélanie d'un ton pénétré.
Un sentiment si dur me surprend et m'afflige.
Remplissez-vous les lois de la religion,
Quand votre ame se ferme à la compassion;
Quand votre piété farouche, attrabilaire,
Prête à Dieu ces levains de haine et de colère;
Quand vous ne goûtez point l'innéffable plaisir
D'aimer le malheureux, et de le secourir,
Dans les larmes d'autrui d'essuyer vos pleurs mêmes?
Est-ce là ton esprit, et tes douceurs suprêmes,
Religion si pure, et si chère à mon coeur?
Vous n'avez point aimé; je vous l'ai dit, ma soeur;
Votre dévotion s'irrite sous la haire.
Si vous eussiez aimé, votre zèle sévère
D'une grace plus douce eût senti les attraits.
Le dieu que nous servons est le dieu des bienfaits;
C'est sa tendresse; hélas! Et non pas sa justice,
C'est l'amour, qui pour nous l'a conduit au supplice.
Cécile.
Pensez-vous que le ciel emprunte votre voix,
Ma soeur; pour m'éclairer et me dicter ses loix?
Je sais les pratiquer; mais je vois l'infortune
Assiéger cet asyle, et se rendre importune,
Associer sa plainte aux cantiques sacrés.
L'autel a des devoirs de tous tems révérés.
Ne doit-on pas prier? à votre tour instruite...
Mélanie.
Faisons du bien, ma soeur, et nous prierons ensuite.