AMOURETTES CHANSON
Je beniray l' heure et le jour
Que je fus à l' amour conforme,
Celuy qui languit sans amour
Est un corps privé de sa forme
Ô dieu quel grand contentement!
Je meurs y pensant seulement.
L' ame est influë au corps ses accords,
L' ame l' amour de vie enflame,
Car l' ame est la forme du corps,
Et l' amour la forme de l' ame,
Ô dieu, etc.
Mon servage m' est si plaisant
Et ma prison si agreable,
Que celuy qui en est exempt
Je le repute miserable,
Ô dieu, etc.
Dés que le traict d' amour eust poinct
Mon coeur d' une playe profonde,
J' ay tousjours dit qu' il n' estoit point
Un plus doux paradis au monde,
Ô dieu, etc.
Soit que ma langue au bout glissant,
La lévre de Marthe rabaise,
Ou que goullu j' aille sucçant
De son sein l' une et l' autre fraize,
Ô dieu, etc.
Soit que d' un bransle brusque et prompt,
Au combat d' amour je l' anime,
Ou qu' en l' yvoire de son front,
Cent douces morsures j' imprime,
Ô dieu, etc.
Quand la folastre se pasmant,
En l' aize extresme qui l' emporte
Me dit d' un langage charmant,
Ô mon doux amy je suis morte,
Ô dieu, etc.
Quand de mesme plaisir charmé,
Je reste sans poux et sans ame,
Et que j' appan mon coeur pasmé,
Pour trophée au sein de madame,
Ô dieu, etc.
Quand nous ramassons peu à peu
Nostre ame au plaisir égarée
Pour r' alumer un second feu
De l' estincelle demeurée,
Ô dieu, etc.
En fin recommençant tousjours,
Nostre aize alors quelle est finie,
Infinis rendons nos amours,
Comme leur cause est infinie,
Ô dieu, etc.