Le Contemplateur.
Ai-je jamais habité ailleurs que ce gouffre rond creusé au coeur de la pierre?
Un corbeau, sans doute, à trois heures, ne manquera pas de m’apporter le pain
qui m’est nécessaire, à moins que le bruit perpétuel de l’eau qui se précipite
ne me repaisse assez. Car là-haut, à cent pieds, comme si elle jaillissait de ce
ciel radieux lui-même avec violence, entre les bambous qui le fourrent,
franchissant le bord inopiné, le torrent s’engloutit et d’une colonne verticale,
moitié obscure et moitié lumineuse, frappe, assénant un coup, le parquet de la
caverne qui tonne. Nul oeil humain ne saurait me découvrir où je suis; dans ces
ombres que midi seul dissipe, la grève de ce petit lac qu’agite le bond éternel
de la cascade est ma résidence. Là-haut, à cet échancrement qu’elle dépasse d’un
flot intarissable, cette goulée d’eau rayonnante et de lait est tout cela qui,
par un chemin direct, m’arrive du ciel munificent. Le ruisseau fuit par ce
détour, et parfois, avec les cris des oiseaux dans la forêt, j’entends, parmi la
voix de ce jaillissement où j’assiste, derrière moi le bruit volubile et perdu
des eaux qui descendent vers la terre.