La Pluie.
Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres qui sont à ma
gauche et les deux fenêtres qui sont à ma droite, je vois, j’entends d’une
oreille et de l’autre tomber immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart
d’heure après midi: autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma plume à
l’encrier, et, jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur,
aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.
Ce n’est point de la bruine qui tombe, ce n’est point une pluie languissante et
douteuse. La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et bourru,
d’une attaque puissante et profonde. Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier,
dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare! Il n’est point à craindre que la
pluie cesse; cela est copieux, cela est satisfaisant. Altéré, mes frères, à qui
cette très merveilleuse rasade ne suffirait pas. La terre a disparu, la maison
baigne, les arbres submergés ruissellent, le fleuve lui-même qui termine mon
horizon comme une mer paraît noyé. Le temps ne me dure pas, et, tendant l’ouïe,
non pas au déclanchement d’aucune heure, je inédite le ton innombrable et neutre
du psaume.
Cependant la pluie vers la fin du jour s’interrompt, et tandis que la nue
accumulée prépare un plus sombre assaut, telle qu’Iris du sommet du ciel fondait
tout droit au coeur des batailles, une noire araignée s’arrête, la tête en bas
et suspendue par le derrière au milieu de la fenêtre que j’ai ouverte sur les
feuillages et le Nord couleur de brou. Il ne fait plus clair, voici qu’il faut
allumer. Je fais aux tempêtes la libation de cette goutte d’encre.