Le bain miraculeux de S Jean l' evangeliste 1632.
Ode.
Au roy.
Quand cette nymphe vagabonde
Qui meut le liquide element,
Eut rendu le flambeau du monde
Tesmoin de son enfantement ;
D' un esprit tout transporté d' aise,
Prenant Achille, elle le baise,
Et plonge dans le stix ce favorable appuy ;
Afin qu' à l' advenir les flesches, et les flâmes,
La puissance d' Hector, et celle des pergames,
Parussent quelque jour moins puissantes que luy.
Apres qu' elle l' a par ses charmes
Rendu redoutable aux humains,
Elle luy fait forger des armes,
Et les dépose entre ses mains ;
Mais ny ces ondes infernales,
Ny toutes ces armes fatales,
Par qui tant de soldats et de chefs sont peris,
N' empeschent pas pourtant que le sort ne l' affronte ;
Et que tous les romans n' escrivent à sa honte,
Qu' il a servy de butte aux flesches de Pâris.
Aussi comme on void que la fable
Cede en tout à la verité ;
Il ne fut pas invulnérable,
Mais Sainct Jean l' a tousjours esté.
Le bain de la porte latine
Confondit la trouppe mutine,
Qui le persecutoit de ses lasches efforts ;
Il brave leurs desseins en souffrant leur outrage,
Et fait voir clairement aux traits de son visage
Que c' est l' esprit de Dieu qui regit ce beau corps.
Desja la flâme petillante
Lutte à longs traits contre l' airain,
La vapeur de l' huile boüillante
Obscurcit l' air le plus serain ;
Le vent d' une audace animée
Rend la flâme plus allumée,
Et peint d' un trait de feu l' image du trespas ;
Tout le Tybre en fremit, tout le ciel en frissonne,
Les boureaux en ont peur, le tyran s' en estonne,
Sainct Jean seul est sans trouble, et ne s' estonne pas.
C' est lors que ce courrier celeste,
Ce mignon de l' eternité,
Dedans cette abysme funeste
Se void tout nud precipité ;
Un torrent de flâme et de souffre
Vient l' ensevelir dans ce gouffre ;
Mais dieu ! Que sa vertu se fait là signaler !
Les anges sont ravis des beautez de son ame ;
Et chacun s' ébahit de voir que cette flâme
L' esclaire seulement, et ne le peut brûler.
Comme une froide salemandre
Que le feu ne fait qu' animer,
Il void tout se réduire en cendre,
Et ne se void point consumer ;
Sur le bitume il se repose,
Ainsi que sur un lit de rose,
Où ses rares discours sont autant de leçons ;
Comme il est franc de maux, il est libre de craintes ;
Aussi pour des souspirs, des larmes, et des craintes,
On ne voit qu' allegresse, on n' entend que chansons.
Ainsi dans l' ardante fournaise,
Ces trois enfans digne des cieux,
D' un zele plus chaud que leur braise
Chantoient l' honneur du dieu des dieux ;
Apres eux les bouches des anges
Estoient les echos des loüanges
Dont ils glorifioient sa force, et son pouvoir.
On devient tout de feu lors que l' on les contemple ;
Et le plus refroidy fait soudain par exemple
Ce qu' il estoit tenu de faire par devoir.
À l' heure tout brillant de gloire,
Et dans le comble de ses voeux
Sainct Jean ravy de sa victoire
Se développe de ces feux ;
Puis dans la ferveur de son zele
Il volle au ciel à tire d' aile,
Comme un aigle qui veut ses regards asseurer ;
Là dans le sein d' un dieu seul au monde adorable,
Il apprend un secret tellement admirable,
Que quand il le raconte il se fait admirer.
Grand sainct, dont la gloire est chérie
Et le nom volle en toutes parts,
Grand support de l' imprimerie,
La nourrice des plus beaux arts ;
Fay que les hommes qui l' honnorent,
Malgré les ans qui tout devorent,
Puissent eterniser leur bon heur comme toy ;
Qu' ils fassent esclatter sa puissance immortelle ;
Et puisque la vertu seroit morte sans elle,
Fay la regner par tout où regne nostre roy.
L' ignorance abatue.