Traverses d' amour.
Ode.
Je souffre ce qu' on peut souffrir
En aimant une dame,
J' offre tout ce qu' on peut offrir
Pour engager son ame,
Mais l' ingrate me fait bien voir
Qu' amour, et le devoir,
Sont des dieux sans pouvoir.
Quoy qu' on me vienne figurer
Qu' elle a de puissans charmes,
Je suis bien las de souspirer,
Et de verser des larmes ;
Tourment de mon coeur agité,
N' es-tu point limité,
Non plus que sa beauté ?
On ne vid jamais parmy nous
Une beauté si rare,
Ny sous un visage si doux
Une ame si barbare ;
Sa flâme qui nous vient saisir
Fait naistre le desir,
Et mourir le plaisir.
Dans ce déplorable malheur
Pas-un ne me soulage,
Si bien que ma fiere douleur
Se convertit en rage ;
Cieux trop lents à me secourir,
Ou venez me guerir,
Ou me laissez mourir.
Ainsi Dafnis plaignoit les maux
De son ame seduite,
Quand pensant finir ses travaux
Il finit sa poursuite.
Mais il change en vain de sejour,
Car il quitte la cour,
Et non pas son amour.