L' amour mutuelle.
Sonnet 77.
Ce n' est pas mon humeur d' aimer si l' on ne m' aime ;
Quand je vois une fille, et que j' en suis épris,
Si mon feu ne luy plaist, j' ay recours au mépris,
Et tout homme qui s' aime en doit faire de mesme.
Je me ris d' un amant qui porte le teint blesme,
Qui s' abandonne aux pleurs, qui s' abandonne aux cris ;
Ce n' est pas que d' abord je veüille avoir le pris,
Puisqu' un peu de travail rend un plaisir extresme,
Une jeune beauté m' arreste quelques mois,
Je luy conte mon mal, mais désque j' apperçois
Qu' elle ferme les yeux à ma longue souffrance,
Me peut-on condamner si je romps mon lien ?
Toutes nos actions tendent à quelque bien,
Et le bien de l' amour n' est qu' en la joüissance.