Le martyr d' amour.
Sonnet 44.
Desja deux fois l' hyver herissé de froidure,
A despoüillé ces bois de leur verd ornement,
Et desja du printemps l' heureux advenement
Leur a deux fois rendu leur aimable verdure.
Depuis le jour fatal que j' aime, et que j' endure
Tout ce qu' une beauté peut causer de tourment,
Et mesme sans espoir d' aucun soulagement,
Puis que l' oeil qui me blesse ignore ma blessure.
Respect injurieux, et contraire à mon bien,
Souffriray-je tousjours, et n' en diray-je rien,
Mesme au triste moment, où je tombe, et j' expire ?
Tyran le plus cruel qui nous fasse patir,
Alors que ta rigueur ordonne le martire,
Au moins laisse la voix, et la plainte au martir.