L' amour espineux.
Sonnet 56.
Dieux ! Qui l' eut jamais creu qu' apres avoir esté
Monarque de mon coeur, et roy de ma franchise,
Mon coeur se fut donné, ma liberté soubmise,
Que tout se fust en moy contre moy revolté ?
Cependant ils l' ont fait sans avoir resisté,
Si tost que les beaux yeux, dont mon ame est éprise,
D' un regard qui me tuë, ou qui me tyrannise,
M' eurent sacriffiez à leur severité.
De ces beaux yeux rians mille flesches lancées,
Porterent dans mon sein leurs pointes herissées,
Qui troublerent mes sens dés ce funeste jour ;
Aussi depuis cela le peuple s' imagine,
Que mon coeur plein de traits est le carquois d' amour,
Ou que de ses vergers il est la noble espine.