Foiblesse d' amour.
Sonnet.
Elle estoit dans mon lit, et j' estois avec elle,
Tous deux blessez d' amour, et tous deux languissans ;
J' y flattois son esprit, elle y flattoit mes sens,
De toutes les faveurs d' une amante fidelle.
Cependant, ô douleur que le temps renouvelle !
Encor qu' elle eut des yeux et des doigts agissans,
Je tentay mille efforts qui furent impuissans,
Et l' espoir d' un plaisir fut ma peine eternelle.
Par quel enchantement luy parus-je un rocher ?
Est-ce que je haïs ce qui m' estoit si cher ?
Est-ce qu' elle ait perdu sa jeunesse et sa grace ?
Non, Carite, qui fais et ma vie et ma mort,
C' est qu' il paroist en moy, comme enfin tout se passe,
Que le corps s' affoiblit quand l' esprit devient fort.