La visite amoureuse.
Sonnet 9.
Mes yeux qui me guidez, vifs tresors de lumiere,
Pouvez-vous voir sans pleurs, et sans vous abismer,
La divine beauté que je fais voeu d' aimer
Dans un desert affreux si long-temps prisonniere ?
Mon coeur, sentirez-vous une douleur si fiere,
Sans sortir de mon sein, ou sans vous y pasmer ?
Faut-il que tant de maux, loin de me consumer,
Renouvellent ma vie, et ma flâme premiere ?
Déplorable destin des fideles amans !
Est-il quelque mortel, qui dans ses longs tourmens,
Ne succombe à la fin, ne se pasme, et n' expire ?
Cependant nuit et jour, le ciel me fait souffrir ;
Et dans cette souffrance, amour, je peux bien dire,
Que la douleur fait plaindre, et ne fait pas mourir.