L' habitude amoureuse.
Sonnet 40.
J' ay desja veu couler neuf lustres de mon âge
Depuis que sur mon front je voy rouler les cieux ;
J' ay veu regner trois roys, tous trois victorieux,
Et trois fois tout changer de moeurs, et de langage.
Je perds ce vif esclat qui paroit mon visage,
Mes pieds sont affoiblis, aussi bien que mes yeux ;
Mon miroir, qui dit vray, me dit que je suis vieux,
Et ce qui m' en desplaist, je n' en suis pas plus sage.
La folle passion qui ne m' a point quitté,
M' a tousjours fait aimer quelque jeune beauté ;
Tesmoin Claudine encor, dont mon ame est ravie.
Destins, qui nous donnez, et nous ostez le jour,
Faut il quand je perdray la lumiere, et la vie,
Que mon dernier souspir, soit un souspir d' amour ?