LETTRE XXX.
du duc, au comte.
eh bien, me suis-je abusé? Le bal a-t-il manqué
son effet? J'étois sûr qu'on vous écriroit.
Tout est applani, vous voilà aux prises; c'est à
vous à mener cela lestement, et à ne pas vous
ennuyer tous deux par l'éternité des premieres
façons. De grace, n'allez point prodiguer les
lettres; sur quatre fois qu'on vous écrira, répondez
au plus une, et point trop d'étalage de
sentimens! Grondez, boudez, faites des reproches,
et ne manquez jamais d'exiger qu'on se
justifie. Les femmes en écrivant se laissent aller,
donnent des armes contre elles, se familiarisent
avec les passions tendres, et sont presque
toujours foibles la plume à la main. Tout est
saisi, interprété; on prend date, et l'on conclut
à l'heure qu'elles y pensent le moins.
Le roi part pour huit jours, il va à... je
le suis, je resterai tout le voyage, et j'espere
qu'à mon retour vous aurez fini. Dieu merci,
vous avez du tems; voilà une mortelle huitaine
que je vous laisse pour faire les choses dans toutes
les regles de la plus exacte décence. Après
cela nous n'aurons à songer qu'à l'article de la
publicité, qui est plus essentiel qu'on ne croit.
Je me chargerai de tout; je vous donnerai seulement
le secret de ces silences savamment indiscrets
qui déshonorent vingt femmes, en
nous laissant le mérite des procédés. Votre angloise
ne veut donc pas de moi? C'est une barbare
que cette femme-là!... adieu.