Chapitre XII. Défense de l'auteur.
Ceux qui penseront que je suis trop grand admirateur de ma langue, aillent voir
le premier livre Des fins des biens et des maux, fait par ce père de l'éloquence
latine Cicéron, qui au commencement dudit livre, entre autres choses, répond à
ceux qui déprisaient les choses écrites en latin, et les aimaient mieux lire en
grec. La conclusion du propos est, qu'il estime la langue latine, non seulement
n'être pauvre, comme les Romains estimaient lors, mais encore être plus riche
que la grecque. Quel ornement, dit-il, d'oraison copieuse, ou élégante, a
défailli, je dirai à nous, ou aux bons orateurs, ou aux poètes, depuis qu'ils
ont eu quelqu'un qu'ils pussent imiter? Je ne veux pas donner si haut los à
notre langue, parce qu'elle n'a point encore ses Cicérons et Virgiles ; mais
j'ose bien assurer que si les savants hommes de notre nation la daignaient
autant estimer que les Romains faisaient la leur, elle pourrait quelquefois, et
bientôt, se mettre au rang des plus fameuses. Il est temps de clore ce pas, afin
de toucher particulièrement les principaux points de l'amplification et ornement
de notre langue. En quoi, lecteur, ne t'ébahis, si je ne parle de l'orateur
comme du poète. Car outre que les vertus de l'un sont pour la plus grande part
communes à l'autre, je n'ignore point qu'Étienne Dolet, homme de bon jugement en
notre vulgaire, a formé l'Orateur français, que quelqu'un (peut-être) ami de la
mémoire de l'auteur et de la France, mettra de bref et fidèlement en lumière.