Les douleurs du poète
1er novembre 1905
Le 11 mars 1906
Souvent dans le silence où se berce mes rêves
Quand mon grand désespoir me parle du passé
Je pleure les beaux jours aux chimères si brèves
Qui passent ici-bas comme un songe effacé.
Je pleure et les échos de la forêt profonde
Répètent le secret de mes sombres douleurs
Comme l'écho troublé des murmures de l'onde
Chante du nautonier les joyeuses clameurs
Pourquoi ravir ainsi de belles espérances
A mon coeur malheureux d'avoir trop regretté
Dis-moi destin cruel gardes-tu des souffrances
Pour me frapper encor l'instant de la gaieté
Dis-moi si chaque fleur au sein de la nature
D'un langage sacré me parlera d'amour
Et si je guérirai de l'affreuse blessure
Que me fit du passé le funeste retour
Je t'interroge en vain que vas-tu me répondre
Des choses que je sais déjà depuis longtemps
J'ai senti ma raison obscure se confondre
Dans l'abîme profond qu'on appelle le Temps.
Je comprends le problème et les lois de la vie
Le bonheur n'est pas fait pour un désabusé
Un beau rêve vécu une extase ravie
Et dans le monde hélas pour moi tout est usé
Si je cueille une fleur bien vite elle se fane
Comme mon espérance aux rayons du malheur
La caresse innocente est un baiser profane
A ma lèvre qui tremble à la moindre frayeur
La cloche au son plaintif d'une voix plus étrange
Ne chante plus pour moi que d'amers souvenirs
Elle a tout confondu dans un triste mélange
Ma gaieté souriante et mes profonds soupirs
Eh ! Qu'importe après tout la source du mystère
Qui jette son linceul sur mon rêve effacé
Pourquoi troubler mes jours d'une vaine colère
Je ne demandais rien on ne m'a rien donné.
Honoré HARMAND