L'âme du foyer
A Madame X, vers inédits
20 janvier 1937
Pardonnez si je viens, pour la première fois,
Non pas comme un intrus, mais c'est pour vous connaître
Que je me suis permis, invité par le maître,
De vous parler ainsi qu'un ami d'autrefois.
Mon chapeau, mes cheveux sont ceux de l'humble pâtre
Limitant son bonheur à guider les moutons.
L'art d'être heureux, sans doute, a choisi tous les tons
Mais je n'en connais qu'un : la douceur de votre être.
Ecoutez donc ces vers écrits exprès pour vous.
On m'a dit, certain soir, que vous aimiez Madame
Qu'un poète ignoré donne un peu de son âme ;
Votre mari, je crois, n'en sera pas jaloux.
Deux mots m'ont révélé l'âge où votre beau rêve
A commencé de vivre, ignorant du réel
Tout ce qu'il sait cacher. Les étoiles au ciel
Ont aussi, paraît-il, une clarté trop brève.
Ne les imitez pas et qu'en votre foyer
Dans l'azur le plus bleu ne passe aucun mage.
De vivre malheureux vous n'avez encor l'âge
Et vos quatre bambins sont là pour y veiller.
Et si votre mari, surmené par l'ouvrage
Laisse échapper un mot, sans pouvoir s'apaiser
Vous avez le pouvoir de détourner l'orage :
Répondez, croyez-moi, par un tendre baiser.
Honoré HARMAND