La tétée
Février 1947
A ma fille Léone
Dans son berceau le bambin pleure ;
Il suce en même temps son doigt ;
Car Alain a deviné l'heure
Et réclame ce qu'on lui doit.
Aussitôt la maman s'empresse.
Quelle faim avait le gourmand !
Il joue avec le sein, le presse,
Fier de son geste innocent.
Il est repu. Ses lèvres roses
Abandonnent le fruit divin ;
Ainsi font les buveurs moroses
Lorsqu'ils sont dégoûtés du vin.
Et la nourrice généreuse,
Satisfaite, fait les cents pas
En murmurant une berceuse
Qu'il entend, mais ne comprend pas.
Le chérubin, plus ne remue,
Ses yeux se ferment à demi ;
Car du sommeil l'heure est venue :--
Petit Alain s'est endormi.
Honoré HARMAND