Au Canada
I
« Pourquoi mon âme est-elle triste? »
Ton ciel est pur et beau; tes montagnes sublimes
Élancent dans les airs leurs verdoyantes cimes;
Tes fleuves, tes vallons, tes lacs et tes côteaux
Sont faits pour un grand peuple, un peuple de héros.
A grands traits la nature a d'une main hardie
Tracé tous ces tableaux, oeuvres de son génie.
Et, sans doute, qu'aussi, par un dernier effort,
Elle y voulut placer un peuple libre et fort,
Qui pût, comme le pin, résister à l'orage,
Et dont le fier génie imitât son ouvrage.
Mais, hélas! le destin sur ces hommes naissants
A jeté son courroux et maudit leurs enfants.
Il veut qu'en leurs vallons, chassés comme la poudre,
Il ne reste rien d'eux qu'un tombeau dont la foudre
Aura brisé le nom que l'avenir, en vain,
Voudra lire en passant sur le bord du chemin.
De nous, de nos aïeux la cendre profanée
Servira d'aliment au souffle de Borée;
Nos noms seront perdus et nos chants en oubli,
Abîme où tout sera bientôt enseveli.