II
Ainsi chantait ma muse et sa lyre plaintive,
Comme le vent du soir, murmurait sur la rive;
Mais les échos muets étaient sourds à sa voix.
Et le peuple qu'autrefois
Enthousiasmaient ses chants, enivrait son histoire,
Peu soucieux de sa gloire,
S'endormait maintenant pour la première fois.
Hélas! dans son insouciance
Il passe comme un bruit qu'on oublie aussitôt:
Rien de lui ne dira son nom ni sa puissance;
Il s'éteindra comme un flot
Qui se brise sur le rivage,
Sans même à l'oeil du matelot
Laisser empreinte son image.
Où sont, ô Canada! tes histoires, tes chants?
Tes Delucs, tes Rousseaux, l'honneur de l'Helvétie,
Tous ces hommes enfin qu'illustrent les talents,
Qui font un peuple fier, grandissent la patrie,
Font respecter au loin son nom, ses lois, ses arts,
Et, pour sa liberté, lui servent de remparts?
L'étranger cherche, en vain, un nom cher à la science.
Notre langue se perd, et dans son indigence
L'esprit, ce don céleste, étincelle des Dieux,
S'éteint comme une lampe, ou comme dans les cieux
Une étoile filante au funeste présage.
Déjà, l'obscurité nous conduit au naufrage;
Et le flot étranger envahissant nos bords
De nos propres débris enrichit ses trésors.
Aveuglés sur le sort que le temps nous destine,
Nous voyons sans souci venir notre ruine.
Ô peuple subjugué par la fatalité,
Tu sommeilles devant l'oracle redouté.
Il rejette ton nom comme un arbre stérile,
Que l'on veut remplacer par un scion fertile.
Il dit: laissons tomber ce peuple sans flambeau,
Errant à l'aventure;
Son génie est éteint, et que la nuit obscure
Nous cache son tombeau.