La beauté surprenante.
Sonnet 61.
Sur le bord d' un ruisseau j' apperceus ma cruelle,
Qui d' un divers accent mille beaux airs chantoit ;
Le poisson pour l' oüir dans l' onde s' arrestoit,
Et les oyseaux du ciel venoient fondre aupres d' elle.
Je vis pour augmenter sa beauté naturelle,
Que mille jeux d' esprit, son esprit inventoit ;
Et dans son action tant de grace éclatoit,
Que la mere d' amour ne fut jamais si belle.
Ô que devins-je alors ? Mon coeur tu le sçais bien ;
Tu sçais que je fus pris, et pris dans son lien,
Que j' adoray ses yeux, que je luy fis hommage.
Et dans le doux transport qu' inspiroient ses apas,
Je creu, que si l' amour évita son servage,
C' est qu' amour est aveugle, et qu' il ne la vid pas.