La plainte defendue.
Sonnet 67.
Dans ce mortel depart dont j' ay senty l' atteinte,
Voulez-vous me ravir ce qui flatte mes voeux,
Et ce qu' on doit au moins laisser aux langoureux
Qui dans un peu d' espoir meslent beaucoup de crainte ?
Cloris m' osterez-vous, d' une injuste contrainte,
L' unique reconfort de tous les malheureux ?
Helas ! Vit on jamais de tyran rigoureux,
Qui commandast le mal, et defendit la plainte ?
Vous me laissez ingratte, et me laissant icy,
Vous voulez que je souffre, et qu' en souffrant ainsi,
Je brule, et je me taise en ma flâme cruelle.
Deplorables effets d' une ame sans pitié !
Elle croid que qui l' aime, et ne meurt pas pour elle,
Témoigne trop d' orgueil, et trop peu d' amitié.