Plainte poetique.
Sonnet 2.
Ferois je encor des vers ? Amy, j' en ay tant fait ;
Plus j' enrichis ma langue, et moins je deviens riche,
Mon esprit abondant laisse ma terre en friche,
Et le vent de l' honneur n' emplit pas mon buffet.
Un poëte accomply n' est plus qu' un fou parfait,
Dés qu' il prodigue un bien dont il doit estre chiche ;
Ce n' est plus qu' une idole et sans base et sans niche,
Qu' on flatte en apparence et qu' on berne en effet.
Je rougis de paslir si long temps sur un livre ;
De me tuer tousjours pour vouloir tousjours vivre,
D' affliger mon esprit pour divertir autruy ;
De posseder un nom dont le bruit m' importune,
De m' eslever si haut, et n' avoir point d' appuy,
D' estre bien chez la muse, et mal chez la fortune.