L'idéale maison
J'avais construit ma maison sur un ciel de nuages et de
zéphyr. Et pour que nul ne me dérobe mes tableaux, mes
statues, mes rêves, j'étais allé, sur une montagne très haute,
la suspendre dans l'azur. Elle était belle, ma fantastique
demeure! Elle était la chose du soleil, du jour, de la nuit, et la
flamme qui monte et le parfum qui descend avec lenteur sur
la plaine. En elle se refaisaient les visages du matin et du
soir.
Parmi les murmures qui s'élevaient des bois, elle semblait
flotter sur les nappes d'or du soleil épandu. Et si l'orage
déchaînait ses fureurs, elle pleurait de toute la pluie des ciels.
Elle empruntait une voix aux éléments, et sa parure,
c'étaient les pourpres de Phébus, le reflet des nuages, les
vapeurs qui s'exhalaient des lacs, des roseaux et des cabanes
de terre.
Maison ardente et qui dansait comme une arche bien-
heureuse! Maison illusoire où les fées souriaient, penchées
aux fenêtres.
Sous les caresses des étoiles, elle simulait une vivante
habitation, hantée de fantômes et de rêves patiemment
apprivoisés. L'empyrée, qui bruit de tant de musiques, lui
fournissait des chansons. Son hospitalité se faisait
accueillante à la joie et au malheur; des mendiants - c'est un
rêve! - mangeaient de mon pain, et des poètes, fraternels aux
chimères, m'endormaient de leurs chants. Dans son jardin,
les jeunes filles venaient cueillir des fleurs et des fruits.
Et j'ai cru, un jour, follement que, sur son seuil, je
refaisais l'homme, à l'image des dieux et des saints.
Mais, un soir de tempête, ma maison s'est écroulée avec
mes images, mes souvenirs, mon intelligence et ma flamme.
Ne la cherchez pas désormais; ma maison n'est plus, ma
maison est morte.
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