Rébus
I
Le dieu plonge et disparaît dans la mer. Il dort au fond des
eaux qui lui servent de berceau liquide. Son linceul, ce sont
les vagues qui l'enveloppent, le roulent, le caressent. Il
semble mort.
Sa mémoire lui compose un asile fleuri d'émotions et de
larmes. Il est tout baigné d'effluves, de parfums. Le désir
l'arrache à son néant, le ressuscite. Et l'on dirait que sa tête
pleure au bord de la nuit; il sanglote comme l'enfant touché
de la première blessure.
Sur un lit de roseaux, il a l'air d'un dieu paré pour
quelque supplice. Mais il cache son front outragé à la
lumière. Il se refuse aux cris qui le veulent atteindre, à la
bouche qui se tend pour la morsure.
Le dieu a dormi longtemps sur un lit de varech, les algues
ont tissé son corps d'un vêtement qui frissonne. Il s'ennuie de
cette mort volontaire, et de ces eaux, et de ces conques, et de
ce sable qui, bouchant son oreille, l'empêche d'entendre le
cri de l'amour.
Le héros secoue son sommeil, et tout mouillé de la pluie
cristalline des séjours divins, il se hausse à la vie et tend les
bras vers les fruits de l'Arbre.
Mais il trébuche sur le sol qui s'offre à son pas. L'abîme
était sa patrie: la connaissance éblouit ses yeux. Il vacille,
balbutie et s'écroule sur ses genoux.
Il est pâle d'avoir été le prisonnier de la mer et de l'infini.