II
Les roseaux s'inclinent sous une brise parfumée; le corps
étendu sur la rive laisse bruire sous sa peau la chanson de la
terre. Sur la bouche de l'homme à demi éveillé, un rire court.
Les cheveux soulevés permettent de contempler un front
livide où s'épand soudain la lumière du plaisir. Une main
errante pince le genou en repos qui, tout à l'heure, se dressait
dans la bataille. Les roseaux gardent et protègent le bel
animal que gâta le sommeil féerique. Un rideau d'ombres
ondoie sur les membres engourdis de félicité: ramages,
girandoles qui sont de pourpre, de violet et de vert. Toutes les
caresses se sont posées, toutes les caresses sont venues, les
unes après les autres, déposer leur baiser.
Ce corps, moite de délices, ne se tient plus de soupirs et
de joie. Et il a l'air, tant il est mou et trempé, de descendre
dans le lit charnel de la terre amoureuse.
Les roseaux s'inclinent toujours: ils bercent le réveil de ce
vainqueur.