II
« Longtemps, pareil au lynx à l'oeil faux et perfide,
«Le mal, à notre insu, nous imposa ses lois;
«Prions! prions, enfants des bois!
«Prions! laissons le mal aux cruels Iroquois:
«Le soleil des chrétiens nous éclaire et nous guide!
«Il donne leur arôme aux fleurs,
«Il enseigne au castor à bâtir ses cabanes;
«Sa parole a séché nos pleurs,
«Sa main verse la paix autour de nos savanes.
«Plus suave qu'un soir d'été,
«À ses festins d'amour notre Dieu nous appelle.
«Pour nous, de nos maux attristé,
«Il vient chaque matin visiter sa chapelle!
«Oh! Dieu, c'est toi qui nous soutiens
«Au fond de nos forêts, dans nos chasses lointaines;
«Qui fais tomber dans nos liens
«Et les oiseaux de l'air et le gibier des plaines.
«Toi seul, tu calmes la douleur,
«Quand la dent de la faim ronge notre poitrine!
«Souffrir! c'est encor le bonheur!
«N'es-tu pas mort pour nous, là-bas, sur la colline?
«Tes prêtres nous ont enseigné
«À craindre des méchants la présence funeste;
«Mais pour eux ton coeur a saigné:
«Pour nous tous, ô Jésus, que ton pardon nous reste.
«Pareils à la taupe sans yeux,
«Ils errent dans la nuit au fond de leur ornière:
« Par pitié, fais briller pour eux
«Le plus petit rayon de ta grande lumière!
«Dieu, descends sur nos coteaux!
«Viens dans ta magnificence!
«Pour t'adorer en silence,
«Les tribus, dans leurs bateaux,
«Ont franchi l'espace immense:
«Dieu, descends sur nos côteaux!»
Plus doux que la chanson des lointaines cascades,
Qui grandit, murmure et s'enfuit,
Résonnaient les accents des naïves peuplades,
Montant sur l'aile de la nuit
Ils s'élevaient encor: la mer impétueuse,
Aplanissant son large dos,
Vint mêler sur la plage à leur note pieuse
Le chant moins grave de ses flots