J'ai trop rêvé
8 septembre 1907
Que de fois promenant mes regards dans ma chambre
Où je fus inspiré de la Nuit de septembre
N'ai-je pas revécu mon passé déjà loin
Objets sacrés d'antan, précieuses images
Livres du souvenir aux si troublantes pages
Pourquoi vous conservé-je avec autant de soin
Ici quelques tableaux. Diplômes du jeune âge
Où l'amour n'entravait pas encore mon courage
Quand devant le public on prononçait mon nom
Onze ans, gai souvenir d'un heureux jour de fête
Image symbolique où la foi se reflète
Dans l'âme de l'enfant à sa communion
A côté récompense aux efforts de l'étude
Certificat acquis sans la sollicitude
Que le mauvais élève appelle à son succès
Là souvenir charmant où mon coeur était libre
Où je fermais l'oreille à la lyre qui vibre
Pour me donner aux arts tout entier, sans excès
Et sur le mur en face exercices physiques
Diplôme bien gagné des efforts athlétiques
Quand sur la longue route on me voyait marchant
En ce temps là j'avais au coeur une blessure
Et je cherchais le mort pour calmer la torture
D'un grand chagrin d'amour au souvenir méchant
Et le temps a passé emportant de ma gloire
L'instant trop éphémère où fier de ma victoire
Je me croyais l'élu de l'Immortalité
Rien n'est changé pourtant à ce qui m'environne
Mon front est surchargé de la même couronne
Mais j'ai fait un grand pas vers la fatalité
Tout change dans ma vie et plus mon ombre avance
Sur la route des jours. Je sens que l'espérance
M'abandonne et me fuit. Suis-je donc condamné
A pleurer quand le monde aux ivresses du rire
Se livre tout entier. Ai-je brisé ma lyre
Dois-je me repentir pour avoir trop chanté
Dois-je garder ainsi dans le fond de mon âme
Le secret de ce temps où d'une ardente flamme
Le désir animant ma tendre volupté
Et s'il m'est défendu quand l'heure sonne brève
D'abuser follement des douceurs d'un beau rêve
Je comprends ma douleur c'est d'avoir trop rêvé.
Honoré HARMAND