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| Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:58 | |
| Chapitre X
Puisque le nom de Papineau vient de se rencontrer par hasard sous ma plume, laissons un peu de côté ce que j'ai à raconter de mes ancêtres d'école, et des aventures qui m'arrivèrent sous leur direction, pour parler un peu du grand tribun. Quand je naquis Papineau était en exil. Nos compatriotes des présentes générations ne se font guère une idée de l'immense prestige exercé par ce nom, à l'époque où remontent mes premières impressions de la vie. C'était comme une héroïque fanfare qui retentissait d'un bout à l'autre du pays, et qui trouvait des échos enthousiastes dans les villages les plus reculés, et même au fond des coeurs les moins belliqueux. Pour tous l'infatigable et incorruptible patriote semblait un antique paladin armé de toutes pièces, debout au seuil de chaque chaumière, prêt à défendre corps à corps le domaine sacré de nos droits, les immunités d'une race dont il s'était fait le champion. C'était une popularité universelle, sans conteste et sans parallèle de nos jours. |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:58 | |
| Imaginez! À cette époque où la puissance de la presse n'était pas même à son aurore, sans aucun autre moyen de publicité que son nom volant de bouche en bouche, le grand orateur populaire n'avait qu'à laisser savoir que, tel jour et à telle heure, il se rendrait à tel endroit du pays, pour que des milliers et des milliers d'auditeurs accourussent l'acclamer, et que deux à trois cents voitures s'échelonnassent sur les routes pour lui faire escorte. Quand il devait descendre de Montréal à Québec ou remonter de Québec à Montréal, la nouvelle semblait flotter dans l'air, des feux de joie s'allumaient sur les grèves, et des salves de mousqueterie saluaient l'apparition du bateau à vapeur à bord duquel le grand patriote avait pris passage. Un homme de notre canton, un forgeron du nom d'Eusèbe Legendre, jouissait d'une considération toute particulière, simplement parce qu'il lui arrivait quelquefois de dire, à tort ou à raison: |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:58 | |
| - Je l'ai vu, moi ! oui, je l'ai vu!... Et alors c'étaient des questions à n'en plus finir; des détails que nous écoutions bouche bée, et qui me reviennent infailliblement à la mémoire, chaque fois que je relis la fameuse chanson de Béranger:
Il vous a parlé, grand'mère? Il vous a parlé!
Les mamans tapaient avec orgueil sur la tête de leurs bébés en disant: - Ce sera un Papineau, celui-là; voyez ce front! voyez ces yeux!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:59 | |
| Le nom était devenu synonyme de perfection. « Un Papineau », c'était le summum de tout ce qui pouvait être grand, noble, intelligent et beau. Le nom était passé en proverbe. Un homme pouvait être éloquent, savant, habile homme d'État, patriote intègre, citoyen sans reproche. -C'est vrai, disait-on, mais ce n'est pas un Papineau tout de même. Quand on voulait, par euphémisme, insinuer que quelqu'un frisait l'imbécillité, on ne disait point comme ailleurs: « Ce n'est pas un génie »; on disait: « Ce n'est pas Papineau! » |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:59 | |
| Et combien d'histoires, combien d'anecdotes ne racontait- on pas sur la jeunesse du puissant orateur! Tous les mots célèbres, depuis l'enfant sublime de Chateaubriand, jusqu'au frappe mais écoute de Thémistocle, lui étaient attribués ou se rattachaient à lui d'une façon ou d'une autre. On mettait à son crédit la boutade suivante: Un jour qu'il y avait nombreuse compagnie à la table de famille, on l'avait fait servir sur une petite table à part. Il s'en était plaint, et son père lui avait répondu: -Tu es trop jeune, mon enfant, tu mangeras à la grande table quand tu auras de la barbe. Or, pendant le repas, le chat de la maison, trouvant plus naturel de s'adresser à la petite table qu'à la grande, vint rôder autour de l'enfant avec des airs de convoitise non équivoques. Celui-ci le regarde d'un air narquois: -Ch... ch... at!... dit-il, tu as de la barbe, toi, va manger à la table de papa!... |
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:59 | |
| Cette anecdote n'est pas inédite; elle se trouve racontée dans les intéressantes biographies de mon ami L.-O. David; mais je puis certifier qu'elle courait les rues à l'époque dont je parle. Et puis venaient les événements de 1837, avec leurs alternatives de succès et de revers, les fusils, le canon, les villages brûlés, les familles en détresse le long des routes, les échafauds à l'horizon... La tête du tribun avait été mise à prix; et ce n'était qu'après mille légendaires aventures qu'il avait pu échapper à tous les pièges, à toutes les poursuites, à tous les limiers de la police anglaise. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:59 | |
| Le forgeron dont je viens de parler nous racontait sur le proscrit des choses inimaginables. Un jour, on avait dressé dans sa chambre d'hôtel un lit à bascule, avec jeu de trappes qui devait précipiter le dormeur dans un tonneau de vitriol. Un assassin était venu se cacher sous le lit pour gagner les mille louis offerts en prime à qui livrerait Papineau mort ou vif; et c'était lui qui était tombé dans le guet-apens meurtrier. Une autre fois, on avait trouvé le moyen d'introduire et de tendre dans sa malle de voyage toute une batterie de pistolets, qui devaient faire feu sur qui tenterait de lever le couvercle. Ce fut un voleur qui fut tué. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:59 | |
| Ailleurs, c'était un parquet qu'on avait semé de lames de rasoir, et sur lequel on devait le faire trébucher. La victime de cette nouvelle machination fut un Anglais. Bref, il avait tout déjoué, et nuls bataillons (sic) n'avaient réussi à le cerner, de même que mille ruses n'avaient pu triompher de son adresse à tout dépister. Mais c'était la défaite cependant; et comme toute gloire finit par s'ébranler quand elle n'est pas soutenue par le succès, on commençait à trouver que Papineau avait eu des torts, qu'il aurait dû faire ceci, qu'il n'aurait pas dû faire cela, qu'il avait « causé la mort de bien du monde », en somme. Et puis M. le Curé ne nous disait-il pas tous les dimanches, du haut de la chaire, que toute révolte est impie; et que s'il y avait eu insurrection, combats, dévastations et exécutions, c'était bien la faute à Papineau, après tout. Tout cela créait une impression pénible, et l'idole de la nation commençait à descendre petit à petit de son piédestal, lorsqu'un cri, un cri immense et vibrant comme un clairon de victoire, un cri qui après avoir ébranlé ma petite poitrine de quatre ans, émeut encore mes souvenirs de vieillard, un cri retentit d'un bout à l'autre du pays, poussé jusqu'à notre humble canton par la grande voix populaire: |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 8:59 | |
| - Papineau est revenu! Papineau revenu, c'était la réhabilitation, c'était le réveil, c'était la revanche. Les Anglais n'avaient plus qu'à bien se tenir. La vieille acclamation, naguère si enthousiaste et si universelle: « Hourrah pour Papineau! » vola de nouveau de foyer en foyer, d'échos en échos, du coeur de nos villes aux confins de nos paroisses les plus éloignées. C'était le retour de l'île d'Elbe, hélas! Quand l'aigle a volé de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame, il va quelquefois se faire casser les deux ailes à Waterloo. Seulement, les Cent-Jours de Papineau durèrent un peu plus longtemps que ceux de Napoléon. « Hourrah pour Papineau! » c'était le cri de tous les moutards de mon temps qui allaient à l'école, et même de ceux qui n'y allaient pas encore. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X Mer 12 Juin - 9:00 | |
| Je n'étais pas d'un âge assez avancé j'avais à peine quatre ans quand le grand tribun revint d'exil pour me rendre bien compte de ce que ce cri pouvait signifier; mais, à la manière provocante dont les gamins plus âgés que moi le jetaient à la face des petits Anglais ou Irlandais, c'était tout un pour nous et surtout aux accès de colère que la malencontreuse exclamation soulevait chez ceux-ci, je sentais bien, d'une façon obscure si vous voulez, qu'il y avait là comme un défi de race contre race, comme une formule de revendication nationale. Et je me vois encore debout sur le seuil de notre porte, tout fier de ma première culotte, guettant les passants surtout les Anglais pour lancer à mon tour mon petit cocorico patriotique sous forme de l'éternel « Hourrah pour Papineau! » |
| | | | Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre X | |
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