PLUME DE POÉSIES
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 Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde

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MessageSujet: Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde   Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde - Page 3 Icon_minitimeDim 3 Fév - 16:27

Rappel du premier message :

Frère Joconde

Les Parisiens n’aimaient pas les Anglais et ils les
enduraient à grand-peine. Quand, après les funérailles du feu
roi Charles VI, le duc de Bedford fit porter devant lui l’épée
du roi de France, le peuple murmura. Mais il faut souffrir ce
qu’on ne peut empêcher. D’ailleurs, si l’on n’était pas
Anglais dans la grande ville, on y était volontiers
Bourguignon. Quoi de plus naturel à des bourgeois, et
particulièrement à des changeurs et à des marchands, que
d’admirer le duc Philippe, prince de bonne mine et le plus
riche seigneur de la Chrétienté. Pour ce qui était du petit roi
de Bourges, de triste figure et pauvre, véhémentement
soupçonné de félonie à Montereau, il n’avait rien pour plaire.
On le méprisait, et ses partisans inspiraient l’épouvante et
l’horreur. Depuis dix ans, ils faisaient des courses autour de
la ville, rançonnant et pillant. Sans doute les Anglais et les
Bourguignons n’en usaient pas différemmenti: lorsque, au
mois d’août 1423, le duc Philippe était venu à Paris, ses
hommes d’armes avaient tout ravagé aux alentours; et
c’étaient des amis et des alliés. Mais ils ne firent que passer;
les Armagnacs au contraire battaient sans cesse les
campagnes. Ils volaient tout ce qu’ils trouvaient, incendiaient
les granges et les églises, tuaient femmes et enfants, forçaient
pucelles et religieuses, pendaient les hommes par les pouces.
En 1420, ils se jetèrent comme diables déchaînés sur le
village de Champigny et brûlèrent à la fois avoine, blé,
brebis, vaches, boeufs, enfants et femmes. Ils agirent de
même et pis encore à Croissy. Un très grand clerc de
l’Université disait d’eux qu’ils faisaient tout le mal qu’on
peut faire ou penser et que par eux plus de chrétiens avaient
été martyrisés que par Maximien et Dioclétien.
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MessageSujet: Re: Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde   Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde - Page 3 Icon_minitimeDim 3 Fév - 16:30

« Semez, dit-il, semez, bonnes gens; semez foison de
fèves, car Celui qui doit venir viendra bientôt. »
Par les fèves qu’il fallait semer, le bon frère entendait les
oeuvres charitables qu’il convenait d’accomplir avant que
Notre-Seigneur vînt, sur les nuées, juger les vivants et les
morts. Or, il importait de semer les oeuvres sans tarder, car
bientôt serait la moisson. Guillaumette Dyonis, Simone la
Bardine, Jeanne Chastenier, Opportune Jadoin et Robin le
jardinier, rangés autour du religieux, crièrenti: « Amen.! »
Mais les bourgeois, qui se pressaient derrière en grande
foule, tendirent l’oreille et froncèrent le sourcil, pensant que
ce religieux annonçait l’entrée de Charles de Valois dans sa
bonne ville, sur laquelle il voulait faire passer la charrue (du
moins le croyaient-ils).
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MessageSujet: Re: Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde   Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde - Page 3 Icon_minitimeDim 3 Fév - 16:30

Cependant le bon frère poursuivait son sermon
évangéliquei:
« Habitants de Paris, vous êtes pires que les païens de
Rome. »
Le bruit des veuglaires qui tiraient de la porte Saint-
Denis se mêlait à la voix de frère Joconde et secouait le coeur
des habitants. On cria dans la foulei: « À mort les traîtres.! »
En ce moment même, messire Florimont Lecocq s’armait
dans son hôtel. Il descendit au bruit sans avoir bouclé ses
jambières. Voyant le moine sur sa borne, il demandai:
« Que dit ce bon père.? »
Plusieurs voix répondirenti:
« Il dit que Messire Charles de Valois va entrer dans la
ville.
Il est contre les habitants de Paris.
Il veut nous décevoir et nous trahir, comme le frère
Richard, qui en ce moment chevauche avec nos ennemis. »
Et frère Joconde réponditi:
« Il n’y a ni Armagnacs, ni Bourguignons, ni Français, ni
Anglais, mais seulement les fils de la lumière et les fils des
ténèbres. Vous êtres des paillards et vos femmes des
ribaudes.
Voire, apostat.! Sorcier.! Traître.! » s’écria messire
Florimont Lecocq.
Et tirant son épée, il l’enfonça dans la poitrine du bon
frère.
Pâle, d’une voix faible, l’homme de Dieu dit encorei:
« Priez, jeûnez, faites pénitence, et vous serez pardonnés,
frères... »
Sa voix s’étouffa dans un flot de sang, et il tomba sur le
pavé. Deux chevaliers, Sir John Stewart et Sir George
Morris, se jetèrent sur le corps et le percèrent de plus de cent
coups de poignard en hurlanti:
« Longue vie au roi Henri.! Longue vie à monseigneur le
duc de Bedford.! Sus.! sus.! au dauphin.! Sus à la folle
Pucelle des Armagnacs.! Aux portes.! Aux portes.! »
Et ils couraient aux murailles, entraînant avec eux
messire Florimont et la foule des Parisiens.
Cependant, les saintes filles et le jardinier entouraient le
corps sanglant. Simone la Bardine, prosternée à terre, baisait
les pieds du bon frère et en essuyait le sang avec les cheveux
dénoués.
Mais Guillaumette Dyonis, debout et les bras levés au
ciel, dit d’une voix claire comme le son des clochesi:
« Mes soeurs, Jeanne, Opportune et Simone, et toi, mon
frère Robin le jardinier, allons, car les temps sont proches.
L’âme de ce bon père me tient par la main et elle me
conduira. C’est pourquoi il faut que vous me suiviez. Et nous
dirons à ceux qui se font une guerre cruellei: "Embrassezvous.
Et si vous voulez vous servir de vos armes, prenez la
croix et allez tous ensemble combattre les Sarrasins. Venez.!
mes soeurs et mon frère." »
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MessageSujet: Re: Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde   Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde - Page 3 Icon_minitimeDim 3 Fév - 16:30

Jeanne Chastenier ramassa à terre le bois d’une flèche, le
rompit et en fit une croix qu’elle posa sur la poitrine du bon
frère Joconde. Puis ces saintes filles, et avec elles le jardinier,
suivirent Guillaumette Dyonis, qui les conduisit par les rues,
les places et les venelles comme si ses yeux avaient vu la
lumière du jour. Elles atteignirent le pied du rempart et, par
l’escalier d’une tour qui n’était pas gardée, montèrent sur le
mur. On n’avait pas eu le temps de la garnir de ses parements
de bois. Aussi marchaient-elles à découvert. Elles allèrent
vers la porte Saint-Honoré, enveloppée pour lors de poussière
et de fumée. C’est là que les gens du maréchal de Rais
donnaient l’assaut. Leurs traits volaient dru sur les remparts.
Ils jetaient des bourrées dans l’eau du grand fossé. Et la
Pucelle Jeanne, debout sur le dos d’âne qui séparait le grand
fossé du petit, disaiti: « Rendez-vous au roi de France. » Les
Anglais épouvantés avaient quitté le haut du mur, y laissant
leurs morts et leurs blessés. Guillaumette Dyonis marchait la
première, la tête haute, le bras gauche allongé devant elle. Et
de sa main droite elle se signait pieusement. Simone la
Bardine la suivait de près. Puis venaient Jeanne Chastenier, et
Opportune Jadoin. Robin le jardinier cheminait le dernier, le
corps tout secoué par un mal intérieur, et montrant les
stigmates de ses mains. Ils chantaient des cantiques. Et
Guillaumette, se tournant tour à tour du côté de la ville et du
côté des champs, diti: « Frères, embrassez-vous les uns les
autres. Vivez en paix. Du fer de vos lances forgez des socs de
charrue. »
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MessageSujet: Re: Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde   Anatole France (1844-1924) Les Contes De Jacques Tournebroche. Frère Joconde - Page 3 Icon_minitimeDim 3 Fév - 16:31

À peine avait-elle ainsi parlé que, du chemin de ronde, où
défilait une compagnie de bourgeois, et du dos d’âne où se
pressaient les soudoyers armagnacs, volèrent vers elle les
injures et les flèches.
« Ribaude.!
Traîtresse.! Sorcière.! »
Cependant elle exhortait les deux partis à établir le règne
de Jésus-Christ sur la terre et à vivre dans l’innocence et
l’amour, jusqu’à ce que, frappée d’un vireton à la gorge, elle
chancela et tomba en arrière.
À l’envi, Armagnacs et Bourguignons éclatèrent de rire.
Ayant ramené sa robe sur ses pieds, elle ne fit plus aucun
mouvement et rendit l’âme en soupirant le nom de Jésus. Ses
yeux restés ouverts avaient des lueurs d’opale.
Peu d’instants après la mort de Guillaumette Dyonis, les
habitants de Paris revinrent en grand nombre sur le mur et
défendirent leur ville très âprement. Jeanne la Pucelle fut
blessée d’un trait d’arbalète à la jambe, et les hommes
d’armes de messire Charles de Valois se retirèrent à la
chapelle Saint-Denis. Ce que devinrent Jeanne Chastenier et
Opportune Jadoin, on ne le sait; jamais plus on n’eut de leurs
nouvelles. Simone la Bardine et Robin le jardinier furent pris
le jour même par les bourgeois de garde sur les murs et remis
à l’official, qui instruisit leur procès. L’Église reconnut
Simone hérétique et la mit, pour salutaire pénitence, au pain
de douleur et à l’eau d’angoisse. Robin, convaincu de
sorcellerie, persévéra dans son erreur et fut brûlé vif sur la
place du Parvis.
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