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| Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:15 | |
| Rappel du premier message :
Messieurs, Quel est le sentiment qui attire sans cesse devant vous, et presque parmi vous, cette foule empressée et choisie, depuis l’époque déjà bien ancienne où vous avez résolu de lui ouvrir ce sanctuaire des lévites qui croient sincèrement à la religion des lettres ; cet atelier des artisans de la parole, comme les nomma l’un des plus illustres de vos prédécesseurs ? - Pourquoi le bruit remplace-t-il ici le grave silence des études ? Pourquoi l’agitation y fait-elle oublier, pour un moment, le calme des dissertations savantes ?- Le motif de cette curiosité religieuse n’est-il pas le désir de retrouver dans l’aspect de ceux dont on a lu les oeuvres, ou dont on sait les actes mémorables, quelque chose des émotions qu’on avait puisées dans la lecture de leurs écrits et dans l’éclat de leurs actions ? N’est-ce pas l’ardeur de deviner sur des fronts si souvent cachés, quelle harmonie existe entre l’homme et son oeuvre, entre ce créateur et ses créations ? Noble sentiment dont nous devons d’abord remercier nos concitoyens, nos amis et nos frères, généreuse intention d’une assemblée à la fois élégante et studieuse qui, par ses regards pensifs ou par ses gracieux sourires, semble dire à chacun de vous : |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:20 | |
| Ce n’est pas seulement en France que l’on se souvient du camp de Boulogne ; de ce grand orage qui s’amassa et gronda sur les bords de la mer pour aller éclater et tomber sur Austerlitz. - Une colonne de marbre est sortie de terre pour attester une seule menace de la France, de même qu’une de ses indignations vient d’en faire sortir ces fortifications qui, si elles n’ont jamais, comme je le souhaite, l’occasion de prouver sa force, attesteront du moins toujours l’opulence de ses souverains caprices. |
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:20 | |
| Un matin donc, au camp de Boulogne, l’armée regardait vers la mer, et même au delà. Tous nos ports étaient bloqués, et cependant on vit arriver des voiles ; elles étaient nombreuses : c’était une flotte, et une flotte française ; elle venait d’Anvers ; elle avait traversé les croisières ennemies avec une grande audace et une fortune inespérée. - L’armée, impatiente et oisive, voulut donner une fête à la ville et aux vaisseaux. - Le jeune improvisateur fut prêt avant les flambeaux. On joua de lui une comédie toute ardente d’espoir, et dont le langage n’avait de celui du camp que l’enthousiasme. Ses couplets sur les brûlots furent alors populaires. Quelques vétérans de l’armée les savent encore. |
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:20 | |
| Comment cette action n’aurait-elle pas plu au grand capitaine, qui ne cessait de regarder la côte ennemie, et se disait;
Je ne demande au ciel qu’un vent qui m’y conduise.
Il applaudit ; il chercha, il fit appeler dans la foule le jeune auteur, le prit par la main, et le donna, pour tout son règne, au ministre secrétaire d’État qu’il allait conduire à Berlin.
À compter de ce jour-là, l’étoile de l’empereur guida cette vie, et cette heureuse fortune, toujours croissante, devint aussi un second monument du camp de Boulogne.
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:21 | |
| Libre alors de toute préoccupation trop matérielle, ce vif esprit se répand en inventions variées. On y pressent déjà des oeuvres plus sérieuses. Tantôt c’est l’École des Pères, où sont démontrés avec sévérité les dangers d’une étourderie trop prolongée dans le caractère d’un jeune père, et le ridicule presque contre nature de la familiarité des fils. Là se respire déjà quelque chose de la grande comédie ; c’est l’enseignement de la dignité des moeurs de famille ; ainsi dans le Mariage d’une heure, douce méprise causée par trop de soin d’une fortune prochaine et troublée par une jalousie entre deux amis ; ainsi dans la Jeune femme colère, que l’on écoutait hier à Paris, qu’on verra demain à Londres, qui touche de près à une conception de Shakspeare et que l’on joue souvent traduite en anglais, sans trop redouter le voisinage de Catherine de Petrucchio (Taming of the Shrew), ce qui en est un assez grand éloge. Quelquefois ce sont des intrigues compliquées, des imbroglios du genre de ce qu’on non¹me en Espagne drames de cape et d’épée, comme les Maris en bonne fortune ; des contes de fëes et des mille et une nuits, comme Cendrillon et Gulistan, que jamais peut-être n’abandonnera ce théâtre formé de comédie et de musique qu’il aima plus que tout autre.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:21 | |
| Cet esprit léger vole et se porte sur toute fleur qui le charme. Le miel qu’il compose devient chaque jour plus exquis, son vol s’élève aussi à chaque coup d’aile. - Il était presque impossible que des livres de mademoiselle Clairon et des contes de Voltaire il ne sortît rien pour l’opéra-comique. Aussi vinrent Jeannot et Colin, les deux Auvergnats se tenant par la main, frais et dispos, l’un sauvé par l’autre des vanités de Paris, et retournant aux affections de son enfance dans la montagne : |
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:21 | |
| On leur battit des mains encor plus qu’à Clairon.
Partout dans l’aimable auteur un choix de sujets et de caractères qui ramenaient aux moeurs simples, à l’amour de la vie de famille, à la bienfaisance, au désintéressement, à la constance des affections intimes ; en nommant ces qualités qu’il enseignait, je me trouve nommer celles qu’il possédait lui-même.- Car, malgré le grand nombre de ses ouvrages, je serais moins long, je crois, à vous les énumérer qu’à redire tout ce que j’ai entendu d’excellent des actes de sa vie. Te ne sais s’il eut des ennemis, cela n’est pas impossible, puisqu’il suffit pour cela d’exister et surtout de réussir ; mais je ne sais personne qui en ait rencontré un seul, et les plus affectueux de ses amis, quelquefois les plus reconnaissants, je les ai trouvés dans ses adversaires politiques.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:21 | |
| Distrait comme la Fontaine, il avait comme lui cette grâce de narration et de dialogue qui se plaît à jeter des voiles transparents sur les folies passionnées de la première jeunesse.
La Fontaine lui-même, je ne crains pas de l’affirmer, eût été fort embarrassé s’il lui eût fallu conclure après chacun de ses contes, comme après chaque fable, par une moralité. - Peut-être penserez-vous comme moi que Boccace se préoccupe aussi fort peu du sens philosophique de ses Nouvelles, et ne prétend guère plus à l’enseignement que la reine de Navarre.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:21 | |
| C’étaient des temps où le plaisir était une affaire sérieuse ; et celui de raconter et d’écouter n’était pas peu de chose apparemment pour les personnages enchanteurs et enchantés du Décaméron, puisqu’ils en oubliaient la peste de Florence. - Je ne chercherai donc point à découvrir la moralité d’une certaine nouvelle qu’on aimait par-dessus toutes et qui venait de l’Arioste en droite ligne, que chacun redisait d’âge en âge à sa manière ; une histoire qui, sous le règne de Louis XIV, fut presque élevée à la dignité de cause célèbre, dont les avocats furent M. Boileau Despréaux d’un côté, et, de l’autre, M. l’abbé le Vayer, et les parties, M. de la Fontaine et M. Bouillon, traducteurs rivaux de la Joconde, comme on appelait alors cette nouvelle. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:21 | |
| La difficulté du récit séduisit une fois encore quelqu’un de notre temps.
Écrire cette aventure était bien moins périlleux que la mettre en scène. Ce que le malin fabuliste avait dit avec une clarté et une franchise tout à fait dignes de Rabelais, il fallait le traduire seulement en situations semblables, substituer une épreuve à des trahisons, un soupçon à des certitudes, faire de la musique une complice, et de ses accords des symboles ; il y allait enfin plus d’art que jamais.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:22 | |
| On le sait, la couronne de la rosière est encore pleine de fraîcheur, sinon de pureté.
J’ai devancé quelque peu l’époque de cet opéra, afin de quitter la musique pour toujours, ainsi que l’auteur de Joconde.
Mais un art plus grave s’était fait pressentir, je l’ai dit, dans les oeuvres de M. Étienne. Déjà Brueis et Palaprat, comédie écrite en vers dont le style est facile et vif, annonçait que l’auteur pouvait, s’il le voulait enfin, se recueillir pour écouter la muse lorsqu’elle lui conseillerait d’entrer dans l’analyse sérieuse et intime des idées et des caractères, et lorsqu’elle viendrait à ses côtés faire résonner le rythme divin. - Dans cet acte bien composé, où toutes les proportions sont mesurées, sans efforts apparents, où le caractère du duc de Vendôme est opposé et lié dans un juste degré à ceux des deux fraternels écrivains dont la mansarde est si gaie et si généreuse, il entrait dans l’art pur en peignant la vie d’artiste. Cette courte comédie ne doit-elle pas être à nos yeux l’introduction des Deux Gendres ?
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:22 | |
| Vingt-deux pièces de théâtre de la main de M. Étienne avaient précédé cet ouvrage, le plus important de tous par le travail et le plus brillant par le succès. Un talent plus mûr s’y montre, une composition plus sévère et des mots plus profonds, avec une verve aussi ardente que dans des ouvrages plus jeunes.
La question que traite la comédie des Deux Gendres, Messieurs, est une des plus graves qui aient jamais occupé l’âme entière du poète, du philosophe et du législateur. Or, le grand artiste doit sentir en lui quelque chose de ces trois hommes à la fois.
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