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| Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:15 | |
| Rappel du premier message :
Messieurs, Quel est le sentiment qui attire sans cesse devant vous, et presque parmi vous, cette foule empressée et choisie, depuis l’époque déjà bien ancienne où vous avez résolu de lui ouvrir ce sanctuaire des lévites qui croient sincèrement à la religion des lettres ; cet atelier des artisans de la parole, comme les nomma l’un des plus illustres de vos prédécesseurs ? - Pourquoi le bruit remplace-t-il ici le grave silence des études ? Pourquoi l’agitation y fait-elle oublier, pour un moment, le calme des dissertations savantes ?- Le motif de cette curiosité religieuse n’est-il pas le désir de retrouver dans l’aspect de ceux dont on a lu les oeuvres, ou dont on sait les actes mémorables, quelque chose des émotions qu’on avait puisées dans la lecture de leurs écrits et dans l’éclat de leurs actions ? N’est-ce pas l’ardeur de deviner sur des fronts si souvent cachés, quelle harmonie existe entre l’homme et son oeuvre, entre ce créateur et ses créations ? Noble sentiment dont nous devons d’abord remercier nos concitoyens, nos amis et nos frères, généreuse intention d’une assemblée à la fois élégante et studieuse qui, par ses regards pensifs ou par ses gracieux sourires, semble dire à chacun de vous : |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:34 | |
| Une autre considération d’ailleurs me fait penser que l’on peut voir son absence subite et totale de l’art dramatique avec moins de regret, c’est qu’il est resté ainsi arrêté dans sa route, mais non altéré et faussé. Ce qu’il a écrit a été exécuté franchement et nettement dans le seul genre qu’il eût connu, aimé et imité, celui de la tradition et de l’ancienne comédie. S’il eût poursuivi ses travaux, il lui aurait fallu, pour se maintenir au niveau de ses propres succès, modifier sa forme et la déguiser, changer sa manière et son style. Il fit mieux, il fut plus digne à lui de s’arrêter à temps et de regarder en silence se former sous ses yeux une autre génération littéraire novatrice, sérieuse et passionnée. |
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:34 | |
| Un esprit nouveau s’était levé du fond de nos âmes. Il apportait l’accomplissement nécessaire d’une réforme déjà pressentie depuis des siècles ; jetée en germe par le christianisme même sur le sol français de la poésie, dès le moyen-âge ; soulevée, de siècle en siècle, par des précurseurs toujours étouffés ; remuée encore et à demi formée en théorie sous le règne de Louis XIII ; annoncée depuis et dévoilée par de magnifiques lueurs sorties de quelques grandes oeuvres de plus en plus rapprochées de la nature, de la vérité dans l’art et du génie réel de notre nation ; - c’était dans notre âge que cette réforme pacifique devait éclater.
L’histoire en est récente et simple. Ce ne fut point une ténébreuse conspiration. |
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:34 | |
| Depuis peu d’années la paix régnait avec la Restauration. Tout semblait pour longtemps immobile. Il se trouva quelques hommes très- jeunes alors, épars, inconnus l’un à l’autre, qui méditaient une poésie nouvelle. - Chacun d’eux, dans le silence, avait senti sa mission dans son coeur. Aucun d’eux ne sortit de sa retraite que son oeuvre ne fût déjà formée. Lorsqu’ils se virent naturellement, ils marchèrent l’un vers I’autre, se reconnurent pour frères et se donnèrent la main. - Ils se parlèrent, s’étonnèrent d’avoir senti dans les mêmes temps le même besoin d’innovation, et de l’avoir conçu dans des inventions et des formes totalement diverses. Ils se confièrent leurs idées d’abord, puis leurs sentiments, et (comment s’en étonnerait-on ?) éprouvèrent l’un pour l’autre une amitié qui dure encore aujourd’hui. - Ensuite chacun se retira et suivit sa destinée. - Depuis ces jours de calme, ils n’ont cessé d’alterner leurs écrits ou leurs chants. Séparés par le cours même de la vie et ses diversions imprévues, s’ils se rencontraient, c’était pour s’encourager, par un mot, à la lutte éternelle des idées contre l’indifférence et contre l’esprit fatal de retardement qui engourdit les plus ardentes nations dans les temps où il ne se trouve personne qui leur donne une salutaire secousse. - Leurs oeuvres se multiplièrent. - Dans ce champ libre nouvellement conquis, chacun prit la voie où l’appelait l’idéal qu’il poursuivait et qu’il voyait marcher devant lui. |
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:34 | |
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Soit que les uns aient donné leurs soins au coloris et à la forme pittoresque, aux nouveautés et au renouvellement du rythme, soit que d’autres, épris à la fois des détails savant de l’élocution et des formes du dessin le plus pur, aient aimé par-dessus tout à renfermer dans leurs compositions l’examen des questions sociales et des doctrines psychologiques et spiritualistes, il n’en est pas moins vrai que, tout en conservant leur physionomie particulière et leur caractère individuel, ils marchèrent tous, du même pas, vers le même but, et que leur rénovation fut complète sur tous les points. - Le nom qui lui fut donné était depuis longtemps français, et, puisé dans les origines de notre langue romane, il avait toujours exprimé le sentiment mélancolique produit dans l’âme par les aspects de la nature et des grandes ruines, par la majesté des horizons et les bruits indéfinissables des belles solitudes.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:34 | |
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La poésie épique, lyrique, élégiaque, le théâtre, le romain reprirent une vie nouvelle, et entrèrent dans des voies où la France n’avait pas encore posé son pied. Le style qui s’affaissait fut raffermi. - Tous les genres d’écrits se transformèrent, toutes les armures furent retrempées ; il n’est pas jusqu’à l’histoire, et même la chaire sacrée, qui n’aient reçu et gardé cette empreinte.
Les arts ont ressenti profondément cette commotion électrique. L’architecture, la sculpture se sont émues et ont frémi sous des formes neuves ; la peinture s’est colorée d’une autre lumière ; la musique, sous ce souffle ardent, a fait entendre des harmonies plus larges et plus puissantes.
À ces marques certaines le pays a reconnu et proclamé par ses sympathies l’avènement d’une école nouvelle.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:34 | |
| En effet, dans les oeuvres de l’art, tout ce qui passionne aujourd’hui la nation a puisé la vie à ses sources. Il est arrivé que ceux qui semblaient combattre l’innovation prenaient involontairement sa marche, et lors même que des réactions ont été tentées, elles n’ont eu quelque succès qu’à la condition d’emprunter les plus essentielles de ses formes. Il appartient à l’histoire des lettres de constater la formation et l’influence des grandes écoles. Il serait ingrat de les nier, injuste et presque coupable de s’efforcer d’en effacer la trace ; car, ainsi que les couches du globe sont les monuments de la nature, et marquent ses époques de formation successive, de même et aussi clairement dans la vie intellectuelle de l’humanité les grandes écoles de poésie et de philosophie ont marqué les degrés de ce que j’oserai appeler : l’échelle continue des idées.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:35 | |
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Votre sagesse, Messieurs, a su ne point se laisser éblouir et entraîner tout d’abord par les applaudissements et les transports publics, et elle a voulu attendre que le temps les eût prolongés et confirmés. - Mais aussi, sans tenir compte des vaines attaques, des dénominations puériles, des critiques violentes, et considérant sans doute que les excommunications littéraires ne sont pas toutes infaillibles, vous avez reçu lentement et à de longs intervalles les hommes qui, les premiers, avaient ouvert les écluses à des eaux régénératrices.
Malgré ses doctrines opposées, celui dont j’ai imparfaitement raconté la vie avait ainsi compris ce qui s’est accompli, Messieurs, et, m’en parlant une seule fois, me fit l’honneur de me le dire.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:35 | |
| J’ai tâché de rendre justice à tous ses rares mérites. Je m’arrête pour laisser une autre voix que la mienne vous parler plus au long des luttes et des succès de cet homme éminent, dans ce monde parlementaire où je ne suis encore que par la pensée. Cette voix grave est celle d’un homme d’État. Il dirigeait, à son tour, votre noble assemblée, Messieurs, et son règne paisible de trois mois allait finir sans que nulle perte l’eût assombri, lorsque vous fut enlevé, par sa douleur, celui dont l’adieu a été pour vous aussi une douleur si imprévue et si amère. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française Dim 11 Nov - 23:35 | |
| « Nous vivons dans la mort », a dit le prophète, et elle est comme l’atmosphère naturelle de l’homme. Mais si, comme j’en ai la foi profonde, l’espèce humaine est en marche pour des destinées de jour en jour meilleures et plus sereines, que la chute de chaque homme n’arrête pas un moment la grande armée. L’un tombe, un autre se lève à sa place, et, une fois arrivés sur l’un de ces points élevés d’où l’on parle avec plus d’autorité, notre devoir est de penser, dès ce jour même, à ceux qui viendront après nous : pareils à nos glorieux soldats qui, d’une main, plantent leur drapeau sur la brèche, et tendent l’autre main à celui qui, après eux, marche au premier rang. |
| | | | Alfred de Vigny (1797-1863)Discours De Réception A L’Académie Française | |
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